Numéro spécial : Le karma, débats et controverses

  • Karma, destin et prédestination
         Françoise Bonardel
  • Une petite histoire du karman en Inde : des origines au "Tout est karman"
         Philippe Cornu
  • Kamma et loi des causes multiples : "Tout n'est pas kamma..."
         Dominique Trotignon
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Présentation des articles

Karma, destin et prédestination
Françoise Bonardel

Devenue familière aux Occidentaux, la notion de karma (kamma en pâli) reste pourtant difficilement traduisible : s'agit-il du libre-arbitre rendant chacun responsable de ses actes, ou au contraire d'un déterminisme si strict qu'il avoisine le fatalisme ? Aussi faut-il interroger les sources indiennes dont s'est largement inspiré le bouddhisme, reconnaissant à son tour dans la « loi du karma » la pièce maîtresse de son édifice. Or, affirmant que les conséquences de nos actes nous suivent de vie de vie jusqu'à extinction complète de la dette karmique, le bouddhisme n'assimile cette « loi » ni à une succession de causes naturelles, ni à une prédestination divine, et pas davantage à un décret prononcé par le Destin. Philosophes et théologiens occidentaux auraient-ils tout ignoré de cette étrange loi dont la logique semble défier la raison autant que la foi ?

Une petite histoire du karman en Inde : des origines au "Tout est karman"
Philippe Cornu

Cet article propose d'explorer le karman sous tous ses aspects dans les voies spirituelles indiennes, en suivant un fil historique et en analysant les interactions et influences successives qui se sont jouées entre le bouddhisme, le jaïnisme, l'âjîvikisme et les brahmanes. Il apparaît que le bouddhisme et le jaïnisme ont, chacun à leur manière, fortement induit la conception d'un karman à connotation éthique dans le brahmanisme ancien des Upanishad et, par la suite, dans les six « visions » (darsana) qui vont constituer l'assise philosophique de l'hindouisme. Peu à peu, le karman et les renaissances successives, tels que le Bouddha les a formulés, vont s'intégrer à la pensée brahmanique et s'y transformer au point de justifier le système des castes et l'usage des Veda. Le bouddhisme, quant à lui, ne cessera d'affiner sa propre position jusqu'à formuler la doctrine de l'école Yogâcâra où l'exposé du karman devient la clé de voûte de la vision idéaliste du « Rien qu'esprit ».

Kamma et loi des causes multiples : "Tout n'est pas kamma..."
Dominique Trotignon

Bien des mauvaises interprétations de la « Loi du kamma » sont dues au fait qu'on oublie que ce processus n'est pas indépendant de la Loi qui régit tous les phénomènes et qu'il n'est, à vrai dire, que l'une des manifestations - parmi d'autres - de la « coproduction conditionnelle » (paticca-samuppâda).
Ainsi la Loi du kamma ne peut-elle être réellement comprise qu'en la replaçant dans le contexte d'une école de pensée à laquelle le Bouddha se rattache, « l'école des causes multiples » (nânâ-hetu-vâda), se distinguant ainsi autant des tenants de « l'école de la cause unique » (eka-hetu-vâda) que de ceux de « l'école des causes anciennes » (pubbakata-hetu-vâda). C'est aussi dans le contexte de cette Loi des causes multiples qu'il faut comprendre la notion, apparemment si étrange, de « transfert de mérite », au moins telle qu'elle est présentée par l'école Theravâda.