• Fédor Stcherbatsky et Otton Rosenberg : la méthode comparative en bouddhologie
         Victoria Lysenko
  • La Voie du Vide
         Françoise Bonardel
  • Dzogchen au Tibet et bouddhisme Chan. Quel rapport et quelle différence ?
         Philippe Cornu
  • Méditation graduelle au Tibet ancien
         Dylan Esler

Compte rendu de lecture

  • Kanamatsu Kenryō : Le Naturel, Un classique du bouddhisme Shin
    Jérôme Ducor
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Présentation des articles

Fédor Stcherbatsky et Otton Rosenberg : la méthode comparative en bouddhologie
Victoria Lysenko

Dans le présent article, je m’intéresse à la méthode comparative de Fiodor Ippolitovitch Stcherbatsky (1866-1942), dans le contexte de la critique voilée dont cette méthode a fait l’objet dans les travaux de son élève Otton Ottonovitch Rosenberg (1888-1919). Stcherbatsky est un savant de réputation mondiale, auteur de nombreux travaux en différentes langues, académicien, fondateur d’une école de recherche. Rosenberg, un de ses élèves, au cours de sa brève carrière scientifique, a publié quelques articles, deux dictionnaires, ainsi qu’une monographie : Problèmes de philosophie bouddhique (Problemy buddijskoj filosofii, Petrograd 1918).
Ce que je qualifie de « méthode comparative » comprend trois ordres de problèmes : 1. le problème des parallèles avec la pensée occidentale ; ce qu’ils peuvent avoir de contingent, leur systématique, leurs fondements (en termes d’affinités, de différences, de genèse, de stades parcourus, etc.) ; 2. le problème de la traduction des termes bouddhiques dans les langues occidentales ; 3. le problème de la langue, ou de la métalangue, à utiliser pour décrire la pensée bouddhique. C’est à l’examen des positions respectives de Stcherbatsky et de Rosenberg sur ces problèmes qu’est consacré cet article.

La Voie du Vide
Françoise Bonardel

Il reste beaucoup à faire pour convaincre les Occidentaux que le « vide » dont parle si fréquemment le Buddha n’est pas le néant dont ni philosophes ni théologiens n’ont d’ailleurs une idée vraiment précise, sinon en ce qu’il défie la pensée. Or le vide, ou plutôt la vacuité bouddhique (śūnyatā) la défie tout autant, mais pour d’autres raisons dont ce texte tente l’explicitation en récapitulant les étapes successives de la démarche libératrice qui fut celle du Buddha jusqu’à l’Éveil, et en interrogeant les différents véhicules et écoles bouddhiques. Des différences sont en effet notables entre le bouddhisme ancien, mettant à nu l’inexistence du Soi, et le Mahāyāna étendant ce vide d’existence propre à tous les phénomènes. De même l’entrée dans la non-dualité évoquée dans les grands sūtra du Mahāyāna n’induit-elle pas forcément la pratique de l’alchimie enseignée par les tantra propres au Vajrayāna. Ces différences prises en compte, il n’en demeure pas moins que l’on peut parler des enseignements du Buddha comme d’une Voie du Vide, sans réel équivalent occidental hormis chez quelques poètes et mystiques et dans la théologie apophatique, dont l’apophatisme bouddhique se distingue.

Dzogchen au Tibet et bouddhisme Chan. Quel rapport et quelle différence ?
Philippe Cornu

Ce texte évoque les simitudes et les différences entre le Dzogchen et le Chan, dans le contexte tibétain des VIII-IXe siècles, et pourquoi le Dzogchen ne saurait être assimilé au Chan de Hvashang Mahāyāna. Même si l’on remarque des similitudes méthodologiques troublantes (le caractère direct de la transmission de maître à disciple et l’aspect non graduel des deux voies) et si les dates des premiers textes chan et dzogchen en tibétain convergent autour des VIII-IXe siècles, ces deux voies n’appartiennent pas au même courant bouddhique, étant donné les lignées spirituelles divergeantes et l’appartenance de l’un (le Chan) au Mahāyāna et de l’autre (le Dzogchen) au Vajrayāna.

Méditation graduelle au Tibet ancien
Dylan Esler

L’implantation du bouddhisme au Tibet s’est faite en plusieurs étapes, appelées « ancienne diffusion » et « diffusion tardive ». Lors de la première diffusion, les tibétains furent confrontés à de nombreux courants philosophiques et contemplatifs, d’origine aussi bien indienne que chinoise. Il s’agissait pour eux non seulement de recevoir passivement cette importation étrangère, mais aussi d’assimiler à leur propre culture ce qui ne pouvait que paraître au premier abord comme un ensemble assez disparate de doctrines et de pratiques hétérogènes. Nous aborderons dans cet exposé une première tentative tibétaine d’organisation de ces courants méditatifs, telle qu’elle se trouve présentée dans le bSam-gtan mig-sgron, un traité doxographique datant du début du Xe siècle. On y trouve quatre chemins vers l’éveil : l’approche graduelle du Mahāyāna classique, l’approche simultanée du Chan, la voie de transformation du Tantra et finalement celle de l’auto-libération du rDzogs-chen. Comme il nous semble que la présentation de l’approche graduelle au sein du bSam-gtan mig-sgron n’a pas reçu de la part des tibétologues l’attention qu’elle mérite, c’est sur celle-ci que se concentrera le présent article.