Le bouddhisme tibétain - de loin le plus populaire auprès des média occidentaux comme du grand public - relève essentiellement de deux formes tardives du bouddhisme : le Vajrayâna ou tantrisme bouddhique, qui apparut en Inde à partir du VIIe siècle de notre ère, et un courant nommé Dzogchen dont on pense qu'il se formalisa surtout, au Tibet même, à partir du Xe ou du XIe siècle.

Histoire et caractéristiques des écoles tibétaines
Padmasambhava.jpg
Arbre des saints de l'école Nyingmapa
au centre Padmasambhava
Le Tibet est le dernier pays d'Asie à avoir reçu le bouddhisme et a bénéficié ainsi des grandes synthèses, doctrinales et pratiques, qui avaient auparavant été formalisées en Inde. Cette diffusion du bouddhisme indien au Tibet s'effectua en deux temps : une première diffusion eut lieu au VIIIe siècle, grâce, notamment, au personnage semi-légendaire de Padmasambhava (ou Guru Rinpoché) ; elle donna naissance à l'école qu'on appelle aujourd'hui Nyingmapa (l'école « ancienne »). Une deuxième diffusion lui succéda, au XIe siècle, qui donna naissance à des écoles « nouvelles » (Samarpa), représentées aujourd'hui par deux courants : Kagyüpa et Sakyapa. Ces trois écoles se rattachent donc à des enseignements et à des enseignants d'origine indienne, à partir desquels elles développèrent leur propre tradition.
L'école Gelougpa (à laquelle se rattache le Dalaï-Lama) n'apparut, elle, qu'au XIVe siècle et est donc proprement tibétaine. Quant à l'école Yungdrung Bön, très originale, elle se rattache à un enseignement bouddhique qui serait venu d'Asie centrale ou d'Iran et fait remonter ses origines à un Bouddha bien antérieur au Bouddha historique indien Shâkyamuni. Vraisemblablement moins ancienne qu'elle ne le prétend, elle présente de nombreux points communs avec l'école Nyingmapa.

Ces écoles tibétaines appuient leurs enseignements sur la doctrine et la philosophie du Mahâyâna (le « Grand Véhicule ») que complètent des pratiques présentées dans des textes appelés tantra. Chaque tantra propose un ensemble particulier de pratiques variées et précises (sâdhana) : rituels, méditations, visualisations. Leur complexité, et le caractère hautement symbolique de leur présentation, réclament l'enseignement indispensable d'un guru, qu'on appelle lama en tibétain, qui peut être un moine ou un laïque. Le principe essentiel des tantra est la « transmutation », des émotions et des passions, qui permet au pratiquant de développer sa « nature de buddha ». Le Dzogchen, quant à lui, vise à reconnaître et à faire surgir directement la nature réelle de l'esprit, naturellement éveillé. Les pratiques tantriques se présentent ainsi davantage comme une voie de transformation, alors que le Dzogchen se veut une voie directe, « sans efforts ni distraction ». Sous son influence se développa aussi la pratique du Mahâmudrâ, très proche du Dzogchen mais qui reste essentiellement tantrique.

La distinction entre les différentes écoles (et parfois, aussi, leurs courants internes) est essentiellement due aux textes et aux « lignées de transmission » auxquels chacune se rattache, ainsi qu'à des caractéristiques sur lesquelles elles insistent davantage.
Ainsi, les écoles Yungdrung Bön et Nyingmapa privilégient-elles l'enseignement du Dzogchen, alors que les autres écoles proposent plutôt un parcours fondé sur les pratiques tantriques, parachevées par l'enseignement du Mahâmudrâ. D'autre part, l'école Sakyapa est réputée pour son enseignement philosophique et l'école Gelougpa (dont le nom signifie les « Vertueux ») pour la rigueur de sa pratique monastique et l'importance qu'elle accorde à l'étude. L'école Kagyüpa, de son côté, s'est subdivisée en plusieurs courants en fonction de « lignées » internes. Très proche de cette dernière, l'école Shangpa Kagyü en est cependant distincte ; elle est particulièrement connue aujourd'hui en France car son chef spirituel, Kalou Rinpoché (décédé en 1989), fut le principal introducteur du bouddhisme tibétain en Europe continentale.

Les écoles, leurs caractéristiques et leurs chefs spirituels
écoles

enseignements, textes et caractéristiques

chefs spirituels

Yungdrung Bön

pratiques d'origine chamanique (Shen),
pratiques tantriques et Dzogchen bön

Lopön Tendzin Namdak
et Loungtok Tenpai Nyima

Nyingmapa

pratiques tantriques (Anuyoga-tantra)
et Dzogchen bouddhique (Atiyoga-tantra)

Düdjom Rinpoché, Dilgo Khyentsé Rinpoché (décédé en 1991)

Kagyüpa

pratiques tantriques (Anuttarayoga-tantra)
et Mahâmudrâ

 

=> courant Karma-kagyü

le XVIe Karmapa Rangdjoung
Rigpai Dordjé (décédé en 1981)

=> courant Drukpa-kagyü

le XIIe Gyalwang Droukpa

=> école Shangpa Kagyü

Kalou Rinpoché (décédé en 1989) et Bokar Rinpoché

Sakyapa

pratiques tantriques
(Lamdré, « la Voie et le Fruit » ; Hevajra-tantra)
et Mahâmudrâ
forte tradition philosophique

Kyabjé Sakya Trinzin

Gelougpa

pratiques tantriques
(Lamrim, la « Voie progressive » ; Kalachakra-tantra)
importance de la discipline monastique
et de l'étude philosophique

Yéshé Döndroup Rinpoché

Le Dalaï-Lama, en tant que chef temporel du Tibet, n'est le chef spirituel d'aucune école en particulier ; en tant que moine, il a reçu l'ordination dans l'école Gelougpa.

 

L'implantation du bouddhisme tibétain en Europe
L'histoire de l'implantation du bouddhisme tibétain en France débute avec l'arrivée, en 1960, du moine Guélougpa Dagpo Rinpoché. Envoyé en France pour enseigner la langue et la culture tibétaines à l'Institut des Langues Orientales (INALCO) de Paris, Dagpo Rinpoché attendra cependant 1978 pour fonder le centre de Ganden Ling, près de Fontainebleau, où il réside et enseigne désormais. D'autres centres liés à l'école Guélougpa verront le jour en France : en 1979 l'Institut Vajra Yogini, dans le Tarn (dont dépend le monastère de Nalanda, situé à quelques kilomètres) et, en 1988, le Centre Kalachakra, à Paris. En suisse, en 1979, est aussi fondé le centre de Rabten Chöling, au « Mont Pèlerin » (canton de Vaud), qui connaîtra un grand essor et jouera un rôle important pour la communauté tibétaine en exil en Suisse.

Kalou-rinpoche.jpg
Entre temps, le chef spirituel de l'école Shangpa Kagyü, Kalou Rinpoché (photo ci-contre, à gauche), avait répondu à l'invitation de disciples occidentaux et, de 1971 à sa mort en 1989, effectuait plusieurs séjours en France. Il fondera en 1974, à La Boulaye (Saône-et-Loire), le premier centre européen de pratique du bouddhisme tibétain, Dashang Kagyü Ling (appelé aussi le « Temple des mille Bouddhas »), où pourront notamment être effectuées les retraites traditionnelles de « trois ans, trois mois, trois jours ».

La personnalité exceptionnelle de Kalou Rinpoché allait profondément influencer la diffusion du bouddhisme tibétain, la lignée Kagyü étant encore aujourd'hui la plus fortement implantée en France. Sous son impulsion et son autorité, plusieurs autres centres virent le jour, qui se rattachent aux deux lignées Shangpa-kagyü et Karma-kagyü : en 1975 le centre Kagyü Rintchen Tcheu Ling, à Montpellier ; en 1980 l'Institut Karma-Ling, près de Chambéry, seul centre d'obédience tibétaine à être dirigé actuellement par un lama français, Lama Denys Teundroup (plusieurs « centres affiliés », les Dharma Ling, en dépendent, situés essentiellement à Paris, à Genève et dans le sud-est de la France) ; puis en 1982, Vajradhara-Ling, en Normandie, et, en 1989, Kagyü-Dzong, à Paris (dans l'enceinte de la « Grande Pagode du Bois de Vincennes »).

Pour découvrir les premières réactions face à la construction du « Temple des mille Bouddhas », on pourra visionner un reportage diffusé sur Antenne 2 le 7 août 1976 :
=> sur le site de l'INA : http://www.ina.fr/economie-et-societe/boudha-sur-saone.fr.html

En 1974, l'école Sakyapa s'implante aussi avec la création du centre Ngor Ewam Phendé Ling, en Normandie, fondé par Phendé Rinpoché, auxquels se rattachent deux autres centres, à Paris et Poitiers. Cette implantation se développe en 1978 avec la fondation, près de Strasbourg, du centre Sakya Tsechen Ling, qui devient quelques années plus tard le centre européen de l'école Sakya.

Lama-Guendune.jpgEn 1975, sur les instructions du XVIe Karmapa (chef spirituel de la lignée Karma-Kagyü), est fondé près de Grenoble le centre de Montchardon, Karma Migyur Ling, placé sous l'autorité de lama Teundzang ; puis, en 1977, profitant du don d'un vaste terrain en Dordogne, le XVIe Karmapa chargera Lama Guendune Rinpoché (photo ci-contre, à droite) de fonder, à Saint-Léon-sur-Vézère, le centre de Dhagpo Kagyü Ling. Se développant rapidement, ce centre a établi un vaste réseau de « centres affiliés » (les « KTT » ou « Karma Teksoum Tcheuling ») qui lui assure une implantation dans une majorité de départements français. De ce centre dépend aussi le plus grand monastère bouddhiste tibétain actuel en Europe, Kündreul Ling, en Auvergne, fondé en 1984.

Sogyal-Rinpoche.jpgL'école Nyingmapa, à son tour, s'implante en France en 1977. Son chef spirituel, Düdjom Rinpoché, fonde le centre Urgyen Samyé Chöling, tout à côté du centre Dhagpo Kagyü Ling, en Dordogne. Puis, en 1980, c'est au tour du Centre d'études de Chanteloube, situé dans la même région, où ont lieu des retraites de trois ans et qui accueillera notamment Dilgo Khyentsé Rinpoché. L'année suivante, en 1981, c'est à Paris que Sogyal Rinpoché (auteur du célèbre « Livre tibétain de la vie et de la mort », publié en 1993 - photo ci-contre à gauche) fonde son propre centre : Rigpa ; et c'est en France qu'il choisira, en 1991, d'établir son « centre de retraites européen », Lérab Ling, près de Lodève, dans les Cévennes. Un réseau de « centres affiliés » s'est depuis constitué.

Chogyam-Trungpa.jpgEn 1982 se réunit pour la première fois à Paris un petit groupe de disciples de Chögyam Trungpa Rinpoché (photo ci-contre à droite). Personnalité hors du commun et l'un des tout premiers introducteurs du bouddhisme tibétain en Occident (en Grande-Bretagne, dès 1968, puis aux Etats-Unis, en 1970), Chögyam Trungpa a fondé un réseau de centres, désormais appelés « Shambhala », qui diffuse son enseignement original, inspiré des traditions Nyingma et Kagyü, mais aussi du Zen japonais et fortement marqué par son souhait de lutter contre le « matérialisme spirituel ». Décédé en 1987, il est désormais remplacé par son fils, le Sakyong Mipham Rinpoché. Le centre Shambhala de Paris, qui connaît une croissance continue, déménagera plusieurs fois au gré de son expansion. En 1991, c'est en France, dans le Limousin, qu'est fondé Dechen Chöling, centre de méditation européen des centres Shambhala.

La présence des différentes écoles du bouddhisme tibétain se complète encore, dans ces années 80, avec l'implantation de deux des trois derniers courants de l'école Kagyü : l'école Drukpa-kagyü, avec la fondation, en 1985, du centre Druk Toupten Tcheukor Ling, en Bretagne, qui constitue le siège européen de l'école (plusieurs antennes existent : à Brest, en Vendée, dans les Alpes-Maritimes et à Paris ; un Institut des Hautes Etudes Bouddhiques, près de Strasbourg, se rattache aussi à cette école) ; l'école Drikung-kagyü, enfin, avec la création d'un centre à Paris : Drikung Ratna Shri. Ne "manque", à ce jour, que le courant Taklung-kagyü...

Il faut attendre 1996 pour que le panorama soit complet avec la création, à Paris, de l'Association Yungdrung Bön qui reçoit régulièrement, chaque année, la visite de son chef spirituel, le Lopön Tendzin Namdak. L'association vient d'acquérir une propriété en Anjou qu'elle a rapidement transformée en centre d'enseignement et de retraite.

Le bouddhisme s’est toujours voulu une religion missionnaire, quoique non prosélyte. Une règle impose d’ailleurs aux moines de n’enseigner que si la demande leur en a été faite par trois fois. Cela dit, dès que la communauté a compté soixante disciples parvenus à l’Eveil, le Bouddha les a poussés à « parcourir le monde et diffuser la Bonne Loi, pour le bonheur et le profit du plus grand nombre ».

Au Ve siècle av. J.-C., cette diffusion n’a guère dépassé la vallée du Gange que le Bouddha a parcouru durant quarante ans de prédication. Quelques disciples semblent avoir été jusqu’à la côte ouest de l’Inde, peut-être aussi jusqu’aux premiers contreforts de l’Himalaya. Durant un siècle, la Communauté monastique se divise en « citadins », installés dans les grandes villes, et en « itinérants » qui parcourent le reste du pays. Ces derniers trouvent les premiers laxistes et trop proches des laïcs dans leur mode de vie ; ils souhaitent plus de rigueur dans le respect des règles instituées par le Bouddha, car les bhikṣu (les "moines") sont sensés prêcher par l’exemple autant que par la parole… Très minoritaires encore, ils entendent frapper les esprits par leur droiture !

La situation va considérablement changer au IIIe s. av. J.-C., avec l’avènement d’Aśoka, premier souverain qui parvient à réunir sous son autorité la quasi totalité du sous-continent indien. Après avoir conquis par la force son vaste territoire, Aśoka regrette sa violence et se convertit au bouddhisme. La paix qui règne désormais profite aux bouddhistes. Aśoka lui-même se targue d’avoir envoyé des missions jusqu’en Grèce et en Egypte – mais nul ne sait si elles y sont parvenues… On est sûr, en revanche, que son fils et sa fille « évangélisent » l'île de Ceylan (Sri-Lanka), où le bouddhisme est aussitôt adopté. D’autres missions parviennent en Birmanie et au Gandhara, un territoire recouvrant une partie de l’Afghanistan et du Pakistan actuels, porte d’entrée des Routes de la Soie.

De nombreux missionaires ("moines" ou laïcs) vont désormais suivre les grandes voies de commerce de l'époque, les "Routes de la Soie" : par terre, jusqu'en Chine, dès le début de l'ère chrétienne ; par mer, en suivant les côtes de l'Indochine, jusqu'en Indonésie et au Vietnam, au IIe et IIIe siècle après Jésus-Christ. Au fur et à mesure que les nouvelles écoles se développaient, elles répandaient elles aussi leur enseignement. Il y eut ainsi plusieurs "vagues" de diffusion. Par exemple, c'est à partir du Ve siècle que les écoles nées en Chine (Tientaï, Amidisme, Zen...) ont été diffusées en Corée, au Japon et au Vietnam ; c'est à partir du VIIe siècle que les écoles du Vajrayāna, née en Inde, se diffusent au Tibet, mais aussi en Indonésie, en Chine et jusqu'au Japon. Aux environs du Xe siècle, les Musulmans s'installent en Inde du Nord et le bouddhisme disparaît de sa terre d'origine au XIIIe siècle (il a été aussi en partie "intégré" par l'hindouisme). Les royaumes musulmans vont ainsi "couper" les routes de diffusion anciennes et mettre fin aux échanges qui avaient lieu jusque-là entre les différents pays d'Asie et l'Inde.

Cela favorisera l'émergence de grands centres régionaux : Ceylan au Sud, Tibet au Nord, Chine à l'Est. Cette situation explique en grande partie les différences qui apparaissent aujourd'hui entre les trois grands courants du bouddhisme, qui correspondent à ces aires géographiques d'influence. Selon les cas une école a pu devenir majoritaire et s'imposer ou, au contraire, plusieurs écoles exister les unes à côté des autres. Parfois aussi, surtout en Indochine, des "mélanges" ont eu lieu entre plusieurs écoles.

À partir du XXe siècle, enfin, l'Occident a accueilli des représentants de presque toutes les écoles existantes en Asie, soit à la demande d'Occidentaux, soit par l'émigration de réfugiés. En Europe et en Amérique du Nord, aujourd'hui, on peut rencontrer ainsi des maîtres de très nombreuses écoles, surtout du bouddhisme tibétain ou du zen japonais.

 

Très populaire dans les médias et le langage courant ("être zen..." !), le bouddhisme japonais en francophonie ne se résume pourtant pas à cette seule école ni au seul enseignement d'un maître réputé : Taisen Deshimaru...

Taisen Deshimaru et l'AZI
Parmi les écoles bouddhistes du Japon, le Zen est de loin la plus populaire en Occident et, au sein de ses différents branches, l'Association Zen Internationale - fondée par Taisen Deshimaru (1914-1982) - occupe une place privilégiée. Pendant longtemps, cette association a été plus ou moins tenue à distance par l'école Sôtô (dont Taisen Deshimaru était issu), la plus importante des trois écoles zen japonaises actuelles, fondée par le Maître Eihei Dôgen (1200-1253).

Taisen Deshimaru avait en effet imprimé à son enseignement du zen sa forte personnalité ; il fait partie de ces enseignants asiatiques qui ont souhaité adapter le bouddhisme à l'Occident. Mais certains - notamment parmi ses compatriotes - ont jugé ses "adaptations" si importantes qu'ils n'ont pas hésité, à propos de son enseignement, à parler d'un "Zen de Deshimaru" comme d'une nouvelle école distincte du Zen Sôtô.

Centré sur la pratique de "zazen" - la méditation assise - le Zen traditionnel tient en haute estime la vie monastique et l'étude des oeuvres de maître Dôgen, notamment son Shôbôgenzô, "Le trésor de l'oeil de la vraie loi", véritable somme philosophique. Quoique voué à la vie laïque par son maître Kôdô Sawaki (1880-1965), Taisen Deshimaru a pourtant fondé, en 1979, le Temple de la Gendronnière, dans la région de Blois (Loir-et-Cher), le plus grand temple zen d'Occident, mais la vie s'y déroule sur un mode fort différent de celui des monastères zen traditionnels du Japon. Les disciples de Deshimaru, suivant en cela son exemple, privilégient eux-mêmes davantage la vie laïque et n'insistent guère sur la lecture des textes, mettant l'accent sur une pratique réduite à l'essentiel ("le Zen, c'est zazen").

Taisen Deshimaru a institué, avec l'AZI, un réseau comportant aujourd'hui une trentaine de dôjôs (lieux voués à la pratique du "zazen") et plus de 70 groupes de méditation, présents dans la quasi totalité du territoire français. Ils constituent, très souvent, la seule présence bouddhiste dans de nombreux départements français (l'AZI est présente dans 66 départements sur 95 !) comme dans les provinces belges francophones.
Nombreux ont été les Européens à découvrir le Zen par son intermédiaire. Lors de sa disparition, en 1982, des dissensions entre ses disciples ont cependant abouti à leur dispersion entre plusieurs associations ou groupes indépendants (notamment l'AVZD - Association du Vrai Zen de maître Deshimaru - sous la direction de Stéphane Thibaut, à laquelle sont affiliés plusieurs centres).
 

Autres associations du Zen
Le formidable mouvement de diffusion du zen en Europe ne se limite pas aux seuls disciples de Taisen Deshimaru réunis au sein de l'AZI ou de l'AZVD. D'autres enseignants se rattachant au Zen sôtô résident aussi en France, comme le maître japonais Ryôtan Tokuda, représentant officiel de cette école pour l'Europe et fondateur de l'association Maha Muni à Paris. Celui-ci vient récemment d'ouvrir un monastère, Eitaiji, dans les Alpes-maritimes.
Citons également Joshin Bachoux Sensei, qui a fondé "La Demeure sans Limites" (en Ardèche) et enseigne aujourd'hui dans plusieurs centres affiliés (surtout dans la région sud-est) ainsi qu'en Belgique, et Denis Kegan Robert, ancien disciple de Taisen Deshimaru qui séjourna de nombreuses années au Japon et qui enseigne aujourd'hui dans son centre de Blois (Shokosan Denshinji) et à Paris. L'un comme l'autre insistent sur une voie plus traditionnelle, de type monastique. Quelques-uns des anciens disciples de Deshimaru enseignent aujourd'hui de manière indépendante comme l'écrivain Jacques Brosse, dans la Sarthe.
Représentant de la lignée de Taizan Maezumi, fondateur du Centre Zen de Los Angeles, Catherine Genno Pagès a fondé le centre "Dana" (à Montreuil, en Seine-Saint-Denis). Son enseignement inclut le travail sur les "kôans". De son côté Jean-Yves Leclerc, très récemment, a fondé le Zendo du Boulay (en Normandie) dans la lignée de Shunryu Suzuki, fondateur du premier monastère Zen aux Etats-Unis.

En dehors du Zen sôtô, Taïkan Jyoji (Georges Frey) est le seul représentant de l'école Zen Rinzaï en France. Cette école, popularisée en Occident par les ouvrages de D. T. Suzuki ("Essais sur le bouddhisme zen"), repose sur la méditation assise (zazen) mais aussi sur la pratique progressive des "kôans" (questions-réponses énigmatiques) qui doivent mener le pratiquant à l'Eveil (satori). Dans son centre de "La Falaise verte" (en Ardèche) - qui compte aujourd'hui plusieurs centres affiliés, à Paris et en province - Taïkan Jyoji enseigne le zazen et la pratique du Kyudo, un art martial japonais fortement influencé par le Zen.

 

Le dojo du centre "la Falaise verte"
Signalons encore le "So-Un zendo", fondé par Bruce Harris (dans l'Hérault), qui se rattache au "Sambo Kyôdan" - école fondée au Japon en 1954 par Hakuun Yasutani qui met l'accent sur la recherche intensive de l'éveil et sur une pratique laïque - et Eric Rommeluère qui, de son côté, a créé "Un Zen Occidental" et souhaite initier une nouvelle forme du Zen.
De même, bien qu'ils ne puissent tout à fait entrer dans la catégorie des "centres bouddhistes", rappelons l'existence de centres de méditation inspirée du Zen : centres chrétiens (essentiellement en région parisienne) ou centre Durkheim (à Saulce-sur-Rhône, dans la Drôme).

Enfin, quelques centres se rattachent aux formes non-japonaises du Zen. Outre l'Ordre de l'Inter-être du vietnamien Thich Nhat Hanh (voir la page Mahâyâna), deux associations transmettent l'enseignement centré sur la méditation assise sous ses formes chinoise (Ch'an) et coréenne (Sôn), en région parisienne et en Belgique. Il s'agit de l'International Buddhist Progress Society (à Vitry-sur-Seine), qui se rattache à l'école chinoise du Ch'an Lin-Chi (Zen rinzaï, en japonais), et de Zen Kwan Um (à Paris et Bruxelles), apparenté à l'école Chogye du bouddhisme coréen.
 

Autres écoles japonaises
Le bouddhisme japonais ne se résume pas au seul Zen ! Mais les représentants d'autres écoles sont encore aujourd'hui très minoritaires...
L'école tantrique Shingon est néanmoins présente en France, au temple "Komyo-In" de Villeneuve-les-Genêts (en Bourgogne). Le vénérable Yukaï (Daniel Billaud) et son épouse japonaise y perpétuent les enseignements propres à cette école, centrés essentiellement sur le Bouddha Mahâvairocana et la pratique de méditations et de rituels utilisant mantras et mandalas, à l'instar des écoles tantriques tibétaines.
La véritable école de la Terre Pure ("Jôdô Shinshû") n'est pas présente en France mais à Genève, où le vénérable Jean Eracle a fondé le "Temple de la Foi Sereine" ("Shingyôji"). Ecole laïque, la "Terre Pure" n'enseigne pas la méditation assise (pratiquée dans toutes les autres écoles bouddhistes) mais une pratique fondée sur la récitation, celle d'un hommage au Bouddha Amida, en raison de son voeu d'accueillir tous les êtres confiants dans sa "Terre Pure de l'Ouest".
 

Les "nouvelles religions" japonaises
Quoique strictement laïques, comme l'école de la Terre Pure, les différentes "nouvelles religions" japonaises n'ont pas l'ancienneté de celle-ci et ne se rattache pas (ou plus) aux écoles traditionnelles dont elles sont issues. Apparues au début du XXe siècle, ces écoles manifestent une volonté de réforme du bouddhisme japonais, devenu trop formaliste à leurs yeux et coupé de la réalité sociale du pays. Leur engagement dans la société civile est l'une de leurs caractéristiques principales et explique, en grande partie, le succès considérable qu'elles ont rencontré.

Issus de la très ancienne tradition du "Sûtra du Lotus", le "Reiyukai" et l' "Association cultuelle Soka du bouddhisme Nichiren" - anciennement "Soka Gakkai" - déconcertent les Occidentaux (et notamment les pouvoirs publics) par des caractéristiques propres au monde nippon.

La Soka Gakkai entend plus particulièrement s'appuyer sur les enseignements de Nichiren - moine japonais du XIIIe siècle, dont le discours radical, déjà à l'époque, lui avait valu bien des ennuis avec le pouvoir et les autres écoles bouddhistes (pour plus de détails sur Nichiren, voir un "Dossier" qui lui a été consacré). La pratique essentielle de cette école repose sur la récitation de la formule « Namu-Myoho-renge-Kyo ! » ("Hommage à l'enseignement du Lotus de la Loi merveilleuse" - image ci-contre), ainsi que sur des gropupes de paroles dans lesquels les membres de l'association se retrouvent pour évoquer leurs difficultés et les progrès accomplis grâce à leur pratique.

Taxée de prosélytisme, faisant preuve d'une forme d'exclusivisme et d'une approche "matérialiste" qui semblaient peu compatibles avec les enseignements bouddhistes, la Soka Gakkai n'a pas toujours su (ou voulu) répondre aux attaques dont elle a fait l'objet, ni s'adapter à une sensibilité occidentale qu'elle heurtait parfois trop violemment. Elle rassemble pourtant plusieurs millions de personnes en Europe occidentale, preuve de son indéniable succès, et, depuis quelques années, s'attache a évoluer de façon à être enfin acceptée - comme elle l'est au Japon.

La présence du "Reiyukai" en France est relativement discrète, alors qu'elle réunit, au Japon, plusieurs millions de fidèles. Son siège français est à Nantes. Sa pratique, elle aussi laïque, se fonde sur la lecture et l'étude (et non seulement sur la récitation) du Sûtra du Lotus et insiste particulièrement sur l'entraide, tant sociale que spirituelle, entre ses membres.

La question d'assimiler ces "nouvelles religions" japonaises à des sectes (selon la définition - très controversée - des rapports parlementaires français) est loin d'être simple et n'a pas encore trouvé de réponse satisfaisante, ni au sein de la communauté bouddhiste occidentale (où la question est plutôt évitée qu'affrontée...), ni auprès des pouvoirs publics. Le sujet est d'autant plus délicat que ces deux écoles bénéficient l'une et l'autre, au Japon, d'une visibilité et d'une influence reconnue qui semblent tout à fait contradictoires avec la définition occidentale des "sectes". Si les témoignages d'anciens adeptes de la Soka Gakkai semblent accréditer cet étiquetage sectaire, l'association française "Le Bouddhisme Reiyukai", en revanche, ne paraît pas devoir tomber sous de telles accusations ; elle a d'ailleurs été récemment acceptée comme membre de l'Union Bouddhiste Européenne.

Pour retrouver les sites Internet des pagodes et des centres de pratique : consultez notre rubrique "Annuaire raisonné" dans la rubrique "Médiathèque - documentation" => "Sur Internet"

Si le bouddhisme est parfois considéré comme une "science", c'est parce qu'il se présente comme un projet de recherche dont le domaine d'étude est l'esprit et les expériences de l'esprit. Le bouddhisme, cependant, ne tombe pas dans la croyance en l'existence d'une réalité "objective", que pourrait expérimenter un "sujet" observateur. La Voie qu'il propose doit mener au-delà de toute dualité "sujet-objet".

Découvrir le bouddhisme

Nous vous proposons, dans ces pages, de découvrir les fondements du bouddhisme, sa doctrine et ses pratiques, son histoire en Inde et sa diffusion - en Asie et jusqu’en Occident… , sa présence actuelle en France et dans les pays francophones européens, ainsi qu’un Glossaire des principaux termes de son vocabulaire... Dans la partie gauche de la page, le menu permet de naviguer entre les différentes pages de la rubrique, à droite s'affiche les pages de contenu.