Plus d'un an après la démission de Sogyal Rinpoché de son statut de chef spirituel de Rigpa – le réseau international de centres bouddhistes qu'il a fondé –, l’association a fait connaître les résultats d'une enquête indépendante, commandée à l'avocat britannique Lewis Silkin, suite à plusieurs accusations portées par des étudiants et des membres du personnel de multiples cas d'abus et de mauvais traitements qui auraient été perpétrés par le maître tibétain. Le rapport détaillé de 50 pages met en lumière de nombreux problèmes considérés comme « sérieux » et énumère une série de recommandations, notamment que Sogyal Rinpoché ne participe plus à aucun des futurs événements organisés par Rigpa, qu’il n’ait plus aucun contact avec ses disciples et que Rigpa prenne des mesures pour se dissocier de son fondateur « aussi pleinement que possible ».
Rigpa, un réseau international de plus de 100 centres de pratique répartis dans 23 pays, s’efforce de faire face aux conséquences du scandale de plus en plus public, même si de nombreuses accusations de mauvais traitements ne sont pas nouvelles. L'explication officielle de Rigpa a traditionnellement été de citer la tradition de « folle sagesse » caractérisée par des méthodes d'enseignement non conventionnelles visant à briser les idées préconçues et les barrières psychologiques des disciples. La « folle sagesse » est considérée comme un moyen accéléré d’ouveture des yeux et de l’esprit du pratiquant à la vraie nature du Dharma.
En juillet 2017, une lettre signée par huit « anciens » de l’association – tous disciples de Sogyal Rinpoché depuis plus de 15 ans – a été diffusée au sein de l’organisation. Adressée directement à Sogyal Rinpoché, la lettre détaillait les divers abus prétendument commis par le fondateur de Rigpa et soulignait quatre préoccupations principales : les abus physiques et psychologiques présumés des disciples (que Sogyal Rinpoché a affirmé être une expression de la « compassion courroucée »), les allégations d'abus sexuel, les prétendus excès du mode de vie de Rinpoché, financés par Rigpa, et leur impact sur la confiance des disciples en leur enseignant et leur appréciation du Dharma. Un communiqué de presse ultérieur de Rigpa, daté du 11 août 2017, indiquait que Sogyal Rinpoché avait décidé de prendre sa retraite, avec effet immédiat, en tant que directeur spirituel de Rigpa et des organisations apparentées.
Dans le résumé de son rapport d'enquête, l’avocat Lewis Silkin déclare :
« Bien que j'ai eu des preuves que beaucoup de gens pensent avoir bénéficié grandement de la présence de Sogyal Lakar comme enseignant, les expériences individuelles sont très différentes. Il existe divers degrés de proximité avec Sogyal Lakar, les relations les plus étroites étant régulièrement qualifiées de « cercle restreint ». Les expériences de certains membres du cercle restreint sont très différentes de celles de personnes beaucoup moins proches.
Toutes les allégations contre Sogyal Lakar ne sont pas confirmées... mais, compte tenu des preuves dont je dispose, je suis convaincu que, selon la prépondérance des probabilités :
1. des étudiants de Sogyal Lakar... ont été victimes de sévices physiques, sexuels et émotionnels graves de sa part ; et que
2. de hauts responsables au sein de Rigpa étaient au moins au courant de certains de ces problèmes et qui ne les ont pas traités, laissant d'autres personnes en danger. »
Sogyal Rinpoché – de son nom de naissance Sonam Gyaltsen Lakar –, âgé de 71 ans, n’a réfuté aucune des allégations portées à son encontre. Il a déclaré dans une lettre à la communauté en date du 20 juillet 2017 : « Il est clair dans mon esprit que je n'ai jamais, jamais, agi envers quiconque dans un but de profit personnel ou avec l'intention de nuire ». Avant de quitter son poste de directeur spirituel de Rigpa, Sogyal Rinpoché a enseigné en Asie, en Australie, en Europe et en Amérique du Nord pendant plus de 30 ans.
Dans un communiqué publié parallèlement au rapport de Lewis Silkin , l’organisation Rigpa a précisé :
« Nous reconnaissons la gravité du rapport indépendant que Rigpa a commandé l'année dernière à la suite d'allégations d'inconduite de la part du fondateur et ancien directeur spirituel de Rigpa, Sogyal Rinpoché, et remercions l'enquêteur et les témoins.
Nous sommes profondément désolés et nous nous excusons des souffrances subies par les membres passés et présents de la communauté Rigpa. Nous prenons en considération notre rôle en tant qu’organisation et comment nous avons pu contribuer à cette situation. Nous ferons tout notre possible pour contacter et soutenir tous ceux qui ont été touchés, et assumer l'entière responsabilité de veiller à ce que Rigpa offre un environnement sûr pour tous. Ce sont nos engagements sincères.
Les conclusions du rapport affecteront de nombreuses personnes. Il nous faudra du temps pour réfléchir au contenu du rapport.
Rigpa s'engage à donner suite aux recommandations du rapport. Nous irons de l'avant en consultant notre communauté. »
Rigpa a également déclaré séparément qu’il « s’engageait à poursuivre le processus de guérison, de réconciliation et de changement. Pour reconnaître l’importance de ce processus de guérison et de changement, les hauts responsables de la direction quittent tous leurs postes de direction. »
Tout au long de cette période de changement, Rigpa continue néanmoins à diffuser les enseignements bouddhistes de la méditation, de la compassion et de la sagesse. Ses centres à travers le monde continuent de proposer des cours, des programmes, des séminaires et des retraites dirigés par des enseignants et des instructeurs Rigpa, ainsi que des enseignants et lama en visite, notamment issus de la tradition Nyingma du bouddhisme tibétain.
Source : Buddhistdoor, article de Craig Lewis (06/09/2018)