Soixante-dix membres de l'Association Bouddhiste Zen Sōtō (SZBA) – une association de prêtres (*) Zen Sōtō des États-Unis – se sont récemment réunis à New York, pour la huitième conférence bisanuelle de leur organisation. Durant quatre jours, plusieurs des intervenants se sont exprimés sur des sujets sensibles aux États-Unis comme la sur-représentation des blancs dans le bouddhisme nord-américain, le mouvement #MeToo et les questions de ségrégation, sexuelle ou de genre, comme aussi la non-reconnaisance des droits des Amérindiens. La cérémonie traditionnelle de confession – durant laquelle le pratiquant bouddhiste reconnaît les erreurs qu’il a pu commettre et s’engage à ne pas les renouveller – fut l’occasion de lire un « acte de repentance » concernant toutes les discriminations et violences faites aux êtres, surtout si elles sont perpétrées au nom de la religion et, notamment, du bouddhisme…
Cette déclaration, rédigée collectivement par quelques-uns des représentants les plus en vue du bouddhisme Zen Sōtō américain – comme Norman Fischer, Koun Franz et Greg Snyder – était inspirée par celle effectuée par plusieurs milliers de vétérans américains, à Standing Rock, en 2016, face aux représentants de la communauté Sioux qui s’opposaient à la construction d’un pipe-line sur l’un de leurs territoires sacrés et dont les manifestations avaient été durement réprimées par le gouvernement du Dakota du Nord.
Selon Tenku Ruff, la présidente de l’organisation, cette réunion « représente un changement profond et significatif dans le bouddhisme Zen Sōtō en Amérique du Nord. Nous sommes tous encore un peu frappés par notre vulnérabilité et la puissance de ces quatre derniers jours passés ensemble. Personnellement, je suis profondément troublée et émue. »
* Alors qu'en France, les religieux bouddhistes Zen Sōtō ont pour habitude de se désigner sous le nom de "moines", ceux d'Amérique du Nord ont considéré que leur statut essentiellement laïque, engagé dans la société, ne correspondait pas à la compréhension habituelle du terme "moine" et ils ont décidé d'employer celui de "prêtre" (priest, en anglais).
Texte de la Déclaration de reconnaissance et de repentance de la SZBA :
« Réunis ici aujourd'hui en tant que prêtres bouddhistes zen et gardiens du Dharma, nous nous engageons à faire face, à reconnaître, à comprendre et à assumer le poids de notre karma collectif afin de pouvoir pratiquer et enseigner avec clarté, humilité et honnêteté.
Avec un cœur lourd, conscients de notre propre complicité, nous comprenons :
Qu’à travers le temps et la culture, les hommes ont nui aux femmes et les ont dominé, créant des cultures patriarcales fondées sur la peur. Les cultures bouddhiste et zen en ont été aussi coupables que toute autre, allant même parfois jusqu’à déformer les enseignements pour permettre à un pouvoir aussi erroné d'être exercé.
Que nous-mêmes, en ce moment et en ce lieu, nous nous tenons sur un territoire sacré pour les peuples indigènes [amérindiens], que ce territoire leur a été volé et qu’il est conservé par ceux qui l’ont pris, grâce à la doctrine religieuse et à une cruelle supercherie. Que notre nation a tiré parti de ce vol, de l’internement [de ces populations] et de leur génocide – un vol qui se poursuit alors que les peuples indigènes restent ignorés et négligés par un système social cruel à l’élaboration duquel ils n’ont pas pu contribuer.
Que la colonisation de ce que nous appelons les Amériques et l’ascension des États-Unis au rang de puissance globale reposent sur l'esclavage de peuples africains emmenés avec violence et forcés à travailler dans des conditions brutales et oppressives.
Que nous, en tant qu’individus et que communauté, vivons dans un monde où certains, uniquement à cause de la couleur de leur peau, bénéficient de privilèges sociaux et économiques. Nous reconnaissons l'aveuglement volontaire qui maintient ce privilège, ainsi que l'indignité et la douleur de l'oppression systématique, de l'exploitation, de l'esclavage et de la déportation de ceux à qui la peau ne leur accorde pas ce privilège.
Nous nous repentons des souffrances causées par le racisme sous toutes ses formes et nous nous engageons à démanteler les systèmes suprémacistes blancs qui maintiennent l'oppression, y compris l'incarcération de masse et l'expulsion, la persécution et l'exclusion des réfugiés et des migrants.
Que nous, en tant qu'individus et que communauté, avons traité des personnes de manière irrespectueuse, cruelle et violente en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre.
Que nous, en tant qu'individus et que communauté, sommes complices d'un système économique de classe injuste qui divise l'humanité en gagnants et perdants, en exploiteurs et en exploités, et qui encourage l'égoïsme et les conflits.
Qu’en tant qu'êtres humains, nous ne pouvons pas séparer le don de notre propre existence de la violence qui se produit par vision à court-terme, cupidité et suffisance, envers notre planète comme envers les nombreux êtres avec lesquels nous la partageons.
Qu’en tant qu'individus, en tant que sangha et au nom de tous ceux qui nous ont précédés, nous nous repentons de notre participation à tous les systèmes perpétuant la domination, la violence, la cupidité, l’irrespect et l'injustice. Nous nous engageons à vaincre ces forces, en nous et dans le monde, au profit de tous les êtres, autant les victimes que ceux qui les ont perpétrés.
Maintenant que nous chantons les versets du repentir et que nous renouvelons nos vœux lors de la cérémonie de la pleine lune, nous nous inclinons avec respect, chagrin et la détermination de vaincre et de guérir les forces qui causent une telle souffrance, car mettre fin à la souffrance, à l'intérieur et à l'extérieur, est la véritable porte d'entrée du Dharma. le vrai coeur du Buddha. »
Source : Lion's Roar, article de Haleigh Atwood (25/09/2018)
Crédit photo : Hokyu JL Aronson