Le révérend Kenjitsu Nakagaki veut apprendre aux occidentaux l'histoire du manji, le nom que les Japonais donnent à la svastika. S'il s'agit d'un symbole tabou en Occident, du fait de son détournement par les nazis sous la forme de la "croix gammée", la svastika fait partie de la culture japonaise depuis l’introduction du bouddhisme et ce bonze souhaite que l'Occident comprenne que, pour de nombreuses religions, il s'agit avant tout d'un symbole de paix !.
Lorsque le révérend Kenjitsu Nakagaki, bonze japonais, quitta Osaka pour s'installer à Seattle, en 1985, il ne connaissait les svastika que sous la forme du manji japonais - un caractère chinois qui signifie « bonne fortune » en japonais. Lorsqu’il a utilisé une svastika lors d’une cérémonie bouddhiste, il a été réprimandé par un membre du temple qui lui a dit qu’il « ne pouvait pas faire ça dans ce pays ». C’est alors que Nakagaki a compris que la svastika était associée à la haine.
« Après avoir reçu cette leçon, j'ai décidé de ne plus utiliser ce symbole - depuis 25 ans », a-t-il récemment déclaré au média Japan Times de New York. « Mais cette perspective étroite et limitée est inacceptable pour ceux d'entre nous qui apprécions et avons grandi avec la svastika dans nos religions et notre culture.»
Le symbole s'est en effet répandu en Extrême-Orient avec la diffusion du bouddhisme indien et le mot svastika vient d'ailleurs du sanskrit et signifie « bien-être » (su : bien + asti : être).
Nakagaki tente maintenant de sensibiliser le public aux origines indiennes pacifiques de la svastika. Son nouveau livre, « La swastika bouddhiste et la Croix de Hitler. Sauver un symbole de paix des forces de la haine » (The Buddhist Swastika and Hitler's Cross : Rescuing a Symbol of Peace from the Forces of Hate), est sa contribution pour mettre fin à la longue interdiction du symbole. Il détaille les racines orientales de la svastika et retrace son utilisation dans l’hindouisme, le bouddhisme, le jaïnisme, le judaïsme, le christianisme et l’islam. Tous ces usages sont antérieurs à l’appropriation du symbole par les nazis.
La svastika se décline de plusieurs manières ; certaines ont des points, des tourbillons ou d'autres marques. Dans sa version bouddhiste, elle est placée horizontalement avec les bras qui tournent à gauche, tandis que la croix gammée nazie, elle, est penchée selon un angle de 45° et ses bras tournent à droite. Très répandue au Japon, le symbole est même utilisé comme icône de représentation des temples bouddhistes sur les cartes, et ce depuis l'ère Meiji (1868-1912) !...
Plusieurs polémiques ont eu cours ces dernières années autour de la svastika, notamment lorsque Google l'a utilisé « accidentellement » pour identifier certains temples sur des cartes. Google a déclaré à HuffPost que, bien que ces icônes soient « des symboles du culte bouddhiste », l'entreprise travaillait à résoudre le problème... En 2015, un étudiant juif a été suspendu de l'Université George Washington après avoir affiché une svastika - achetée en Inde - sur un tableau d'affichage. En 2017, la société de vêtements européenne DA Designs avait tenté de « reconquérir » la svastika en tant que symbole de paix et d'amour en la mettant sur des t-shirts. Cette initiative a suscité de vives critiques de la part du Congrès juif israélien et du musée commémoratif d'Auschwitz.
Le livre de Nakagaki s'inscrit dans la continuité de sa thèse soutenue en 2012 au New York Theological Seminary. Celle-ci a été publiée pour la première fois au Japon en 2013. Après que les maisons d'édition américaines ont hésité à l'imprimer, Nakagaki s'est auto-publié sur Amazon en 2017. Cet automne, le livre a été republié par la maison d’édition Stone Bridge Press.
Le révérend Kenjitsu Nakagaki, présentant son livre La svastika bouddhiste et la croix de Hitler au rabbin Alan Brill, président du comité des études juives et chrétiennes de la Seton Hall University du New Jersey, en novembre 2018.
Source : Lion’s Roar, article de Haleigh Atwood (09/01/2019)
Voir aussi : Buddhistdoor, article de Raymond Lam (19/12/2018)
Crédit photo : Davidlohr Bueso ; japantimes.co.jp