Un prêt exceptionnel accordé par la ville de Nara au musée national des arts asiatiques – Guimet, jusqu'au 19 mars 2019, vient clore la Saison "Japonismes 2018". Berceau historique du Japon, la ville fut capitale de 710 à 784. Ses temples bouddhiques conservent encore aujourd’hui les chefs-d’oeuvre incontestés de la sculpture japonaise médiévale. Pour la première fois prêtés hors du Japon, sont présentés en France deux gardiens, trésors nationaux, et une effigie en bois du bodhisattva Jizô, classé « bien culturel important ».
Présentées dans le lieu le plus chargé d’histoire du musée - la rotonde de la bibliothèque - ces trois sculptures médiévales nous interpellent à plus d’un titre. Avec la plastique fluide et rayonnante de la divinité, contraste l’effet proprement athlétique des deux gardiens démontrant d’impressionnantes connaissances anatomiques. Exemples exceptionnels, ces trois oeuvres sont l’occasion de découvrir l’évolution des techniques des sculpteurs japonais et invitent à remettre en question l’histoire de la sculpture mondiale.
« Nara, trois trésors du bouddhisme japonais »
jusqu’au 18 mars 2019
Musée des Arts Asiatiques - Guimet
6 Place d’Iéna, 75116 Paris.
Site Internet : http://www.guimet.fr/event/nara-tresors-du-bouddhisme-japonais/
Voir aussi, sur le site de l'INA : "Découverte des trésors de Nara"
Les trois oeuvres étaient initialement abritées dans le Saikondo (« sanctuaire de l’Ouest »), du temple Kôfuku-ji, bâtiment construit en 734 à l’époque de Nara, bien que n’étant pas contemporaines. L’effigie du bodhisattva Jizô (Ksitigarbha), semble y avoir été abritée avec d’autres divinités bouddhistes avant que des incendies ne détruisent le premier sanctuaire en 1180. Les deux sculptures de gardiens datent du XIIIe siècle et furent créées dans le cadre de réaménagements effectués pendant la période de Kamakura (1185-1333).
Puissantes et intimidantes pour mieux repousser les mauvais esprits avec leurs traits tendus, ces sculptures illustrent la technique de sculpture yosegi yukuri, consistant à sculpter les différentes parties de la statue séparément afin de pouvoir faciliter les réparations ultérieures. Ainsi, les deux gardiens sont composés de divers morceaux de bois de cyprès japonais. La superposition des éléments, au niveau de la taille, produit une illusion de mouvement intense. De la même manière, les globes oculaires en cristal ajoutent à la tension dramatique de la composition. Très expressifs, ces deux gardiens, créés pour encadrer une porte, présentent, malgré leurs différences (nommés Agyô et Ungyô, ils symbolisent la force brutale (bouche ouverte) et la force retenue (bouche fermée)), un équilibre, une symétrie générale que l’on retrouve dans leurs déhanchements opposés et dans les plis des tissus. Ils sont représentatifs de l’époque de Kamakura et plus particulièrement du style de l’école du sculpteur Unkei, dont ils seraient des créations.
Plus ancienne, la représentation du bodhisattva Jizô date du IXe siècle. Façonnée dans un unique morceau de bois, elle est caractéristique de l’époque de Heian (794-1185) où les divinités apparaissent imposantes et graves, à l’image de leurs modèles de la Chine Tang, mais non dénuées de raffinement dans le traitement des drapés et des traits du visage, peu à peu nipponisés. Objet de culte très apprécié du grand public au Moyen Âge, le bodhisattva Jizô était notamment considéré comme un sauveur pour les femmes et les enfants. La coloration de son vêtement postérieure à sa création (fin du XIIIe siècle) illustre la pérennité de son culte.
La venue exceptionnelle de ces trois oeuvres offre l’occasion de contempler, dans un face à face privilégié, un pan fondamental de la sculpture japonaise.