Les Trésors du Nord sont une branche de l’école Ancienne (Nyingma) du bouddhisme tibétain. Cette école, tout en étant aussi l’héritière de traditions antérieures, a pour noyau principal les révélations (termas, « trésors cachés ») de Rigdzin Gödem ou Ngödrup Gyaltsen (1337-1409 selon la chronologie communément retenue). À l’époque récente, les Trésors du Nord ont surtout été connus par deux maîtres tibétains de l’exil : Taklung Tsetrul Rinpoché, représentant sa branche principale du Tibet Central, liée au monastère de Dorjédrak, et Chimed Rigdzin Rinpoché, maître de sa branche orientale, implantée au monastère de Khordong au pays Golok.
Les « trésors cachés » sont, selon la tradition Nyingma, des objets et des textes sacrés cachés en toutes sortes de points du territoire tibétain notamment par Padmasambhava, maître indien venu au Tibet à l’époque du roi Trisong Detsen (deuxième moitié du VIIIe siècle).
Rigdzin Gödem était considéré comme la réincarnation d’un des disciples de Padmasambhava, Zhang Nanam Dorjé Düdjom ; sa naissance était annoncée par de nombreuses prophéties. Il naquit dans une famille revendiquant une ascendance royale ; ses ancêtres étaient tous, dit-on, des praticiens de Vajrakīla et d'un système de Dzogchen appelé le Cycle du Brahmane. Son père, appelé Lopön Sidüdül, était un pratiquant de Vajrakīla ainsi que sa mère, Jocham Sonam Khyudren. On dit qu’il fut conçu alors que tous deux étaient absorbés par la pratique de cette divinité.
Les hagiographies insistent sur le caractère « courroucé » de Gödem en relation avec Vajrakīla, y compris quant à la description de ses marques corporelles, dont la plus remarquable était quelque chose qui (selon la tradition) ressemblait à des plumes de vautour poussant sur le sommet de sa tête – trois dans sa douzième année, cinq dans sa vingt-quatrième année – d’où le surnom sous lequel il est connu, Rigdzin Gödem, le « détenteur de connaissance au toupet de [plumes] de vautour ».
Il est dit qu'en sa treizième année, il obtint des réalisations grâce à la Roue des activités de la lèpre noire. C’est un tantra lié à Yamāntaka sous la forme Nāgarākṣa. Il reçut les enseignements de divers maîtres encore mal identifiés, outre ceux de son père : Draklungpa Khetsun Rinchenpal, Khepa Nangden Gyalpo, etc. Rigdzin Gödem est dépeint comme s’étant appliqué, depuis son plus jeune âge, à recevoir et pratiquer les traditions tantriques caractéristiques des Nyingmapas. Cela mérite d'être souligné, car d'autres « découvreurs de trésors » sont présentés comme des êtres spontanément éveillés, sans lien avec une lignée humaine ordinaire de transmission spirituelle. Dans le cas de Rigdzin Gödem, quelles qu’aient été ses qualités spontanées, il a reçu instructions et initiations de maîtres humains.
C'est à partir de sa vingt-cinquième année que commence sa vie de découvreur de trésors (tertön).
Il trouva d'abord des lieux insolites et des objets magiques, et non, à l'origine, des textes. Puis, dit-on, toutes sortes de présages se produisirent, correspondant à des prophéties, annonçant que les temps étaient mûrs pour qu’un terma soit découvert à Zangzang Lhadrak. Alors, diverses indications nécessaires à la découverte du trésor ayant été trouvées par un certain Zangpo Drakpa de Manglam, ce maître s’arrangea pour que ces cartes et clés du trésor sacré parviennent, au début de 1365, à Rigdzin Gödem, prédestiné à les découvrir.
Une caractéristique très particulière, mais pas absolument unique, des « Trésors du Nord » est leur lien constant avec les pouvoirs politiques.
Il avait été prophétisé qu'il serait de bon augure que Tashidé, le roi de Gungthang (règne : 1352-1365), fournisse les substituts aux trésors à extraire (en effet, selon les croyances tibétaines, il convient de remplacer les substances puissantes que l’on extrait du sol par des choses tout aussi précieuses). Malheureusement – en raison de la faiblesse des mérites, disent les textes – ce roi dont la prophétie voulait que la rencontre avec Rigdzin Gödem et ses révélations fût particulièrement propice mourut en 1365, avant que le trésor puisse être extrait du lieu où il était caché, et il est dit qu’il ne fut possible d’établir qu’un lien médiocre avec son fils Phüntsokdé (lequel, pour cette raison, allait mourir dans sa trente-troisième année, en 1370).
Alors que le moment précis de l'ouverture du lieu où reposait le terma était proche, Rigdzin Gödem dut se rendre à Sakya, où Phüntsokdé se trouvait alors, et le persuader d'accorder les substances précieuses – or, etc. – qui devaient être substituées aux « trésors cachés » au moment de leur extraction.
Stéphane Arguillère
Note : la 2ème partie sera publiée dans la newsletter de juin 2022.