Yogdzin-Lopon-Tenzin-Namdak-Rinpoche

Yongdzin Lopön Tenzin Namdak Rinpoché

Au Tibet avant l'exil

S.E. Yongdzin Lopön Tenzin Namdak Rinpoché est le détenteur actuel de la lignée de la tradition tibétaine Yungdrung Bön.

Il est né dans la province du Kham, en 1926. À l'âge de sept ans, il est entré au monastère de Tengchen pour commencer son éducation. De 1944 à 1948, Yongdzin Rinpoché vit et étudie avec son professeur et maître, Gangru Tsultrim Gyaltsan Rinpoché. Il passe une grande partie de cette période dans une grotte de méditation isolée au lac Juru Tso à Namtsokha, dans le nord du Tibet, où Gangru Ponlob Rinpoché lui enseigne  la grammaire, la poétique, la discipline monastique, la cosmologie et les étapes du chemin vers l'illumination selon le soutrayana, le tantrayana et le dzogchen.


À la fin de l'année 1948, il rejoint le monastère de Menri, dans la province de Tsang, au Tibet central, pour y terminer ses études ; il obtient son diplôme de Geshe et est également élu pour succéder à son maître comme Lopön du monastère.

  Il se rend au monastère de Sezhig sur le lac Dangra - un lac sacré pour les Bönpo - dans le nord du Tsang, où il reste en retraite personnelle jusqu'en 1960. Comme des dizaines de milliers d'autres Tibétains, Rinpoché a tenté de s'enfuir en Inde après le soulèvement de Lhassa contre les occupants communistes chinois, mais il a été blessé par balle et emprisonné par les communistes pendant dix mois avant de réussir à s'échapper par la frontière himalayenne vers le Népal. Au cours de son évasion, Yongdzin Rinpoché a pu dissimuler le célèbre stupa de Nyame Sherab Gyaltsen ainsi que des statues, des reliques précieuses et d'autres objets sacrés dans une grotte à Lug-do Drag dans la région de Tsochen, au Tibet. Pendant sa fuite, il emporta avec lui les précieux volumes de la transmission orale du Zhang Zhung Nyen Gyud et d'autres textes afin d'assurer leur préservation pour l'avenir.

Premières fondations en Inde et Népal

De 1964 à 1967, Rinpoché a pris soin de la communauté bönpo et sa culture en exil en Inde. En 1966, il a  établi et enregistré auprès du gouvernement indien la Fondation tibétaine bönpo à Dolanji, dans le nord de l'Inde. En 1967, avec l'aide financière du Catholic Relief Service, il a acheté un terrain et y a ouvert un village, une école et un monastère.

À la mort du Lopön Sangye Tenzin en 1977, Rinpoché s'est vu confier l'entière responsabilité de l'enseignement de la jeune génération de moines. En 1987, Rinpoché a fondé un deuxième monastère au Népal, Triten Norbutse. Il permet d'établir un cursus universitaire complet en sciences et philosophie. Autour des années 1980, Rinpoché a réintroduit les enseignements bönpo au Tibet.

 

 Yongdzin Lopön Tenzin Namdak Rinpoché en Occident

En 1961, Rinpoché est invité à Londres par  le professeur David Snellgrove, tibétologue anglais. Grâce à une bourse de la Fondation Rockefeller, il devient chercheur invité, d'abord à la SOAS, l'université de Londres, puis à l'université de Cambridge. La collaboration avec le professeur Snellgrove a abouti à la publication de The Nine Ways of Bön (Les Neufs Voies du Bön) Il s'agit de la première étude approfondie de la tradition Yungdrung Bön publiée en Occident.

Yongdzin Rinpoché a été la première personne à donner des enseignements Bön en Occident en 1989. L'un de ses principaux enseignements a été consacré au Dzogchen, qui est le système de méditation le plus élevé et le plus profond de la tradition bouddhiste. Rinpoché considérait que ces enseignements étaient particulièrement adaptés aux Occidentaux, car ils n'impliquaient aucune familiarité culturelle particulière et faisaient directement appel à l'esprit.

En 2005, Loel Guinness, un étudiant et ami de Rinpoché, a généreusement fait don de sa propriété à Blou, dans l'ouest de la France. Rinpoché y a établi Shenten Dargye Ling pour la préservation, la recherche, l'enseignement et la pratique du Yungdrung Bön . La même année, la tradition Bön a été officiellement reconnue comme une congrégation et une tradition religieuse totalement indépendante par le gouvernement français.

À Shenten Dargye Ling, Rinpoché a fondé une "gomdra" régulière, ou école de méditation, donnant aux Occidentaux la possibilité d'apprendre la méditation et la philosophie de la même manière approfondie que les moines dans les monastères.

 

La Nature ultime de l'esprit dans le Dzogchen

 

Toute chose se relie à la Nature*. Si vous voulez donner un nom à cette nature, vous pouvez en trouver plusieurs, mais quel que soit ce nom, vous ne pourrez rien trouver derrière. On ne peut pas parler de la Nature. Elle ne parvient pas à la conscience mentale. Elle est complètement au-delà de la perception, au delà des mots. Vous pouvez lui donner divers noms et l'expliquer comme ceci ou cela, vous pouvez la désigner de plein de manières, mais aucune désignation ne peut être exacte. Si vous vous guidez sur les mots vous ne pouvez rien trouver.

Alors comment la trouver ? Ce n'est pas une chose ordinaire. Généralement tous les humains parviennent à la connaissance par la perception et la conscience mentale. Mais dans le cas présent, il faut comprendre la connaissance du Dzogchen par vous-mêmes.  Nous disons que le Dzogchen est au-delà de la perception, au-delà de la conscience mentale, au-delà des mots. Vous devez trouver l'essence. Si vous suivez les enseignements ou si vous écoutez juste les mots du professeur, vous ne pourrez rien trouver. C'est donc un sujet très particulier, absolument pas ordinaire. En fait en parlant du Dzogchen nous pouvons parler beaucoup mais il est difficile de percevoir le fondement réel de cela.

J'ai déjà dit qu'il y a deux sortes de Natures, la Nature Relative et la Nature Absolue. Pour ce qui est de la Nature Absolue, nous n'avons pas à la chercher en quelque endroit, excepté là où nous cherchons l'esprit. Quand nous sommes en présence d'une pensée, regardons-la et aussitôt elle va disparaître d'elle-même.  Après qu'elle a disparu, ce qui demeure ne peut pas être expliqué. Il n'y a pas de trace, rien n'est laissé derrière. La pensée ou la perception elle-même est libérée ou disparaît. Après qu'elle a disparu, pas la peine de penser, de se concentrer, de chercher à savoir ou de regarder, rien n'existe derrière elle. C'est uniquement la Présence. Après qu'une pensée a disparu, demeure un état inexprimable. Au-delà de toute pensée. Après la disparition d'une pensée, ce qui demeure est un état inexprimable. Cela signifie que votre Présence est limpide. Il n'y a ni penser, ni voir, votre Présence semble comme agréable et calme et limpide. Il n'est pas possible d'expliquer ce qui est clair. Cette Présence  est parfois appelée Vacuité ou Vacuité sans Racine.  Cela signifie que cela n'est relié à rien, elle est claire en elle-même. Bien que nous disions qu'elle est vacuité, il n'y a pas de pensée conceptuelle qu'elle est vacuité, pas du tout ; il n'y aucune conceptualisation de cela. Mais nous devons tout de même dire quelque chose, alors nous l'appelons Vacuité.

Qui sait que cette Présence est claire ou vide, si elle est au-delà du conceptuel ou des perceptions ? Qui sait cela ? Comment pouvons-nous l'expliquer? La principale chose à bien conscientiser c'est qu'après la disparition d'une pensée, le moment suivant est limpide. Cette Clarté est appelée Claire-en-soi, (tibétain rangsel, རང་གསལ།). Cela n'est expliqué par aucun autre texte ou une autre description de la Vacuité. Personne ne peut parler de cela. Cette Nature elle-même est claire pour elle-même. Cela signifie qu'une fois qu'une pensée a disparu, la Présence est claire-en-soi. Cela signifie qu'il n'y a pas d'objet, pas de sujet – elle est claire par elle-même. Nous donnons l'exemple d'une lampe : une fois que vous avez allumé une lampe, vous n'avez pas besoin d'ajouter quelque chose, la lampe éclaire par elle-même.

Vous ne pouvez pas expliquer comment cela arrive, ou ce qui arrive. Pour toute personne pratiquant le Dzogchen, la première étape est de chercher (la Nature) à travers notre propre perception ou notre conscience. Parfois nous donnons une explication en disant ceci : la première pensée s'est évanouie, la deuxième n'est pas encore arrivée,  eh bien l'état entre les deux nous l'appelons la Nature («l'Etat Naturel »).

Traduit de l'anglais par Myriam Piccinali à partir des enseignements de Yongzin Lopön Tenzin Namdak Rinpoché en août 2008 à Shenten Dargye Ling, France, et de la transcription  anglaise de

Carol et Dmitry Ermakovi, éditeurs

Les éléments biographiques concernant l'auteur sont extraits et adaptés du site https://www.shenten.org/yongdzin-tenzin-namdak

  • Note de la traductrice : entendre ici « nature de l'esprit » ou « nature ultime de l'esprit »