Les relations entre le Saṅgha bouddhique (la Communauté des bhikkhu, les « moines ») et le pouvoir politique, notamment dans les pays d’Asie du sud-est – en Birmanie, au Sri-Lanka, en Thaïlande… –, est un constant sujet de perplexité pour les Occidentaux ! Les idées reçues sur ce sujet et la complexité des situations régionales ne facilitent pas les choses, il est vrai. On accueille donc avec reconnaissance la publication d’un petit livre qui offre toutes les clés de compréhension, au moins pour le cas particulier de la Thaïlande, d’autant qu’il est téléchargeable gratuitement sur Internet – et même si l’auteur, français, le propose en anglais !
L’ouvrage, intitulé « Buddhism and politics in Thailand », est l’œuvre d’Arnaud Dubus, journaliste indépendant qui vit en Thaïlande depuis 1989. Il travaille pour RFI, Libération, le quotidien suisse Le Temps, Marianne et TV 5. Il a écrit, en collaboration avec Nicolas Revise, Armée du peuple, armée du roi (Irasec/L'Harmattan, 2002), un ouvrage sur le rôle des militaires en Thaïlande et en Indonésie. Il est aussi l'auteur de La Longue Marche des chrétiens khmers (CLD, 2004), une histoire des catholiques du Cambodge à travers des récits de missionnaires. Parlant couramment le thaï, il se passionne pour l'histoire, la politique et la culture de ce pays où il a passé près de la moitié de sa vie.
Publié par l’Institut de recherches sur l’Asie du Sud-Est contemporaine (IRASEC), basé à Bangkok, l’ouvrage est téléchargeable gratuitement, sous format PDF, sur le site de l’Institut : http://www.irasec.com/ouvrage144
Pour les non-anglophones, on en trouvera une présentation et un résumé en langue française, sur le blog des "Grande et petites histoires de la Thaïlande" (le blog complète son article de présentation par deux autres articles sur le nationalisme bouddhique thaï).
Résumé du livre (traduit de l’anglais)
Malgré l’affirmation souvent répétée que le bouddhisme et la politique sont ou, du moins, devraient être distincts, le bouddhisme a été étroitement lié à la politique d’une manière ou d’une autre depuis l’époque même du Buddha. De fait, en Thaïlande, le bouddhisme est utilisé depuis la fin du XIXe siècle pour légitimer le pouvoir des États. Et, au cours des décennies suivantes, il a été progressivement centralisé sous une hiérarchie nationale, qui existe encore aujourd'hui. Ce changement n’a pas été modifié après la « révolution » politique du pays en 1932 et des tensions politiques avec le sangha sont apparues lors des troubles des années 70. L'émergence d'un fossé politique croissant en Thaïlande depuis le milieu des années 2000, autour de deux grands groupes qui ont été surnommés les « chemises jaunes » et les « chemises rouges », a submergé la communauté monastique, entraînant un activisme croissant de certains groupes, temples et moines bouddhistes. De nombreux moines se sont mêlés aux manifestants des Chemises rouges en avril-mai 2010 et d’autres étaient en première ligne lorsque les militaires ont attaqué le camp des Chemises rouges au centre-ville de Bangkok. Ces dernières années, ces tensions se sont regroupées autour du temple controversé de Dhammakaya et ont eu un impact sur le choix du chef de la communauté monastique thaïlandaise. Bien que les tensions au sein du sangha ne soient pas nouvelles, elles ont affaibli la capacité du bouddhisme - l’un des piliers nationaux de l’idéologie nationale thaïlandaise - à devenir un point de rassemblement alors que le pays traverse une période difficile avec la fin d’un règne prestigieux long de sept décennies et les incertitudes politiques qui assombrissent l'horizon.
On trouvera sur Internet plusieurs textes ou interventions dans les médias d'Arnaud Dubus.
Citons notamment les sites :
Radio France Internationale (rfi)
cath.ch : portail catholique suisse
academia.edu
Eglises d'Asie (EDA)