Vincent Eltschinger
Vincent Eltschinger (1970) est Directeur d’études à la Section des sciences religieuses de l’École Pratique des Hautes Études, où il a été élu en 2015 sur une chaire d’histoire du bouddhisme indien. Docteur en langues et civilisations orientales de l’Université de Lausanne (2003), ses travaux ont porté d’abord sur la tradition dite des logiciens et théoriciens bouddhistes de la connaissance, en particulier sur la controverse avec la Mīmāṃsā sur des questions de théorie du langage et d’autorité scripturaire. Ses recherches auprès de l’Institut für Kultur- und Geistesgeschichte Asiens (Académie des Sciences, Vienne, 2003—2015), qu’il a dirigé (2013-2015), ont porté sur les dimensions religieuses et apologétiques, la généalogie intellectuelle (notamment avec Aśvaghoṣa et la Yogācārabhūmi) et plusieurs figures importantes (Śubhagupta, Jitāri, Śaṅkaranandana) de ce courant philosophique. Vincent Eltschinger a enseigné aux Universités de Lausanne, Zurich, Vienne, Leiden, Leipzig, Venise et Tokyo. Il est l’auteur de plus d’une dizaine de monographies, dont Penser l’autorité des Écritures (2007), Caste and Buddhist Philosophy (2013), Can the Veda Speak? (2013, avec H. Krasser et J. Taber), Self, No-self, and Salvation (2013, avec I. Ratié), Buddhist Epistemology as Apologetics (2014, thèse d’habilitation à l’Université de Vienne), Dharmakīrti’s Theory of Exclusion, I, On Concealing (2018, avec J. Taber, M.T. Much, I. Ratié), et, récemment, avec Isabelle Ratié, Qu’est-ce que la philosophie indienne ? (Paris, Gallimard, Folio essai, 2023).
La conférence a porté sur la « section hetuvidyā de la Yogācārabhūmi », un petit texte consacré à la science des raisons logiques, apparue vers le iiie siècle en milieu bouddhique, et dont il pourrait être, dans cet environnement, le témoignage le plus ancien. Ce texte difficile paraît avoir exercé une influence déterminante sur les grands théoriciens bouddhistes de la connaissance des vie-viie siècles, notamment dans leurs théories de la perception. Après une introduction à l’histoire du quintuple curriculum dans lequel s’inscrit cette discipline, nous avons lu la partie initiale ainsi que la copieuse section logico-épistémologique du traité, soit un peu plus de la moitié du texte, dont nous espérons reprendre et conclure la lecture, et publier une traduction, dans un proche avenir.
Lire la suite : Vincent Eltschinger, La section hetuvidyā (« logique ») de la Yogācārabhūmi
Par Hubert Durt :
Parmi les religions indiennes et parmi les religions du monde en général, une originalité du bouddhisme est d’avoir donné une place centrale à la discipline monastique (Vinaya). Le code disciplinaire est censé avoir été promulgué par le Bouddha lui-même, qui l’aurait placé au même niveau d’importance que sa prédication doctrinale. On soupçonne à présent que ce code, certes très ancien, reflète dans la communauté une tendance centripète en faveur du monachisme, établi dans des monastères (vihāra). Cette institutionnalisation aurait fait suite à une période centrifuge d’ascétisme extrême pratiqué dans des ermitages forestiers (āraṇya).
Des règles existent aussi dans le jainisme mais leur visée me semble plus limitée. Dans l’autre religion universelle à tradition monastique, le christianisme, les règles, par exemple de Saint Basile, puis de Saint Benoît, apparaissent tardivement et se nourrissent des Évangiles, qui leur sont antérieurs de plusieurs siècles.
Ce n’est sans doute pas le bouddhisme qui a créé le monachisme. D’après les traditions légendaires, le milieu entourant le Bouddha semble pétri de religieux errants (śramaṇa), formant souvent communauté autour de maîtres, dont souvent nous connaissons les noms, et parfois aussi les doctrines, pour autant que nous puissions nous fier aux descriptions, faites de clichés assez caricaturaux, qu’en donnent les Écrits bouddhiques.
Lire la suite : Le Vinaya : source et légitimité de la communauté bouddhiste.
« Dans la philosophie bouddhiste tibétaine, la foi n'est jamais une foi aveugle. » Geshe Lobsang Samten
Geshe Lobsang Samten est né près de Lhasa, au Tibet, en 1965. Il a commencé ses études monastiques au monastère de Ganden à l’âge de douze ans, et a été ordonné moine à quinze ans. En 1985, il quitte le Tibet pour poursuivre ses études au monastère Ganden Jangtse, reconstruit à Mundgod, au sud de l’Inde. En 1997, il a accepté une invitation à visiter la province de Québec, et en 1999, a reçu l’autorisation d’installer un site à Chicoutimi. Il est le directeur spirituel du Centre Paramita au Québec.
La nature de notre esprit est pure et omnisciente. Toutefois, nous ne la reconnaissons pas comme telle pour le moment. Cela est dû à notre trop grande familiarité avec les facteurs mentaux négatifs et à notre manque d'habitude avec ceux qui sont positifs. En s'habituant à la présence des facteurs mentaux positifs et en diminuant notre contact avec ceux qui sont négatifs, nous pourrons graduellement éveiller notre esprit et trouver sa vraie nature, claire et lumineuse. Voilà pourquoi, il est si important de connaître la nature des cinquante et un facteurs mentaux.
La philosophie bouddhiste explique que notre esprit se divise en six consciences primaires. On compte les cinq consciences sensorielles et la conscience de l'esprit. Autour de l'esprit, qui ressemble à un ministre, gravitent les cinquante et un facteurs mentaux, semblables à ses sous-ministres. Ces derniers sont principalement en relation avec une des six consciences, celle de l'esprit.
L'esprit, constitué de ces six consciences primaires, expérimente la totalité de l'objet avec lequel il entre en relation. Chacun des facteurs mentaux appréhende une qualité spécifique de l'objet qu'il rencontre. Ces cinquante et un facteurs mentaux sont répartis comme suit :
Les cinq facteurs mentaux omniprésents;
Les cinq facteurs mentaux déterminant l'objet;
Les onze facteurs mentaux positifs;
Les six perturbations mentales racines;
Les vingt perturbations mentales secondaires;
Les quatre facteurs mentaux variables.
****
Lire la suite : Une initiation aux fondamentaux du bouddhisme : les 51 facteurs mentaux
par Molly Chatalic - Article tiré de : Femmes, féminismes et religions dans les Amériques, Presses universitaires de Provence, 2018 - Actes du Panel Femmes, Féminisme et Religions, coordonné par Blandine Chelini-Pont et Florence Rochefort. Congrès annuel 2013 de l’Institut des Amériques “Femmes dans les Amériques”.
Molly CHATALIC est Maître de conférences à l’Université de Bretagne Occidentale et membre de du laboratoire de recherche HCTI. Son travail de recherche porte sur la culture américaine (religions, féminisme, groupes minoritaires, contre culture) et la culture tibétaine (religion, littérature, identité)
L’implantation du bouddhisme est beaucoup plus ancienne en Amérique du Nord que dans le sud des Amériques. Il avait en effet commencé à s’y établir dès le milieu du xixe siècle. Le développement des vagues successives du mouvement féministe aux États-Unis durant ces mêmes décennies a abouti à une féminisation progressive du bouddhisme nord-américain. Les femmes bouddhistes y sont actives dans l’enseignement, la défense de l’environnement, les domaines de la thérapie et de l’art et la réflexion théorique, et leur représentation est aussi nombreuse que celle des hommes bouddhistes dans de multiples fonctions. Après un tour d’horizon de ces diverses avancées, nous étudierons les rôles joués par les femmes bouddhistes dans les pays du sud des Amériques. Nous nous intéresserons en particulier à leur conscience des questions féministes et de leur propre importance dans l’émergence d’un bouddhisme sud-américain. Nous nous interrogerons sur le degré d’interaction et d’influence mutuelles entre femmes bouddhistes du Sud et du Nord des Amériques.
Lire la suite : Réseaux bouddhistes féminins dans les Amériques ?
Professeur Anne Cheng, Collège de France
in Histoire intellectuelle de la Chine
(extrait de sa série de cours au Collège de France : Universalité, mondialité, cosmopolitisme (Chine, Japon, Inde)
Née en 1955 à Paris de parents chinois, Anne Cheng a suivi un parcours complet à l’école de la République, nourri d’humanités classiques et européennes, jusqu’à l’École normale supérieure, avant de choisir de se consacrer entièrement aux études chinoises. Depuis plus de quarante ans, elle a mené ses travaux d’enseignement et de recherche sur l’histoire intellectuelle de la Chine, en particulier sur le confucianisme, d’abord dans le cadre du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), puis de l’Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales), avant d’être nommée à l’Institut universitaire de France et, peu de temps après, élue au Collège de France.
Elle est l’auteure notamment d’une traduction en français des Entretiens de Confucius, d’une étude sur le confucianisme du début de l’ère impériale et d’une Histoire de la pensée chinoise traduite en de nombreuses langues européennes et orientales. Elle a également dirigé plusieurs ouvrages collectifs, parmi lesquels La pensée en Chine aujourd’hui (Gallimard, 2007), Lectures et usages de la Grande Étude : Chine, Corée, Japon (Collège de France, 2015), India-China : Intersecting Universalities (OpenEdition Books, 2020), Historians of Asia on Political Violence (OpenEdition Books, 2021), Penser en Chine (Gallimard, 2021), Autour du Traité des rites (Hémisphères, 2022).
Depuis 2010, elle codirige la collection des « Budé chinois » aux Belles Lettres.