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Grégory Kourilsky est maître de conférences à l’École française d’Extrême-Orient. Ses recherches portent sur les sociétés bouddhiques de l’Asie du Sud-Est péninsulaire. Ses publications explorent un large éventail de sujets tels que la piété filiale et le culte des ancêtres, la littérature religieuse palie et vernaculaire, les formes locales de méditation, les calendriers et les traditions hémérologiques, ou encore l’informatisation des écritures traditionnelles.

Auteur d’une thèse de doctorat en Histoire des religions et Anthropologie religieuse, soutenue à l’École Pratique des Hautes Études en 2015

 

Dans un exposé présenté en 2004 l, Peter Skilling jetait un pavé dans la mare des études bouddhiques en questionnant la pertinence de l'usage du terme «theravada » pour désigner la forme du bouddhisme systématisé sur l'île de Ceylan au cours des premiers siècles de l'ère chrétienne et qui fut transmis en Asie du Sud-Est par le truchement de ses textes et de sa langue, le pali. Quoiqu'aujourd'hui universellement admis, le terme ne semble apparaître dans cette acception que dans les sources occidentales, et ce au cours d'une période qui n'est pas antérieure à la fin de l'ère coloniale ; il n'est à fortiori jamais employé dans le sens de «secte » ou d'«école » dans les textes religieux de l'Asie méridionale, orientale et sud-orientale. L'expression «bouddhisme theravada (ou theravadin ) », concluait Peter Skilling, est donc une invention des orientalistes européens du xxe siècle, progressivement adoptée en Asie par les bouddhistes eux-mêmes.

Un certain nombre d'usages terminologiques fallacieux avaient déjà été révélés par des travaux ponctuels. Oskar von Hiniiber avait ainsi avancé que si le mot «pali » renvoyait désormais à une langue, c'était par abus de langage - dont l'origine remonte à l'envoi par Louis XIV d'une ambassade à la cour du Siam - pour ce qui désignait au départ les textes sacrés 2. Plus récemment, Louis Gabaude a battu en brèche certaines expressions d'usage désormais courant dans les études bouddhiques, comme celle de «secte » ou d'«ordination », qui se révèlent, dans l'absolu, tout à fait impropres 3. Peter Skilling, Jason A. Carbine, Claudio Cicuzza et Santi Pakdeekham, qui ont dirigé l'édition de How Theravada is Theravada ? Exploring Buddhist Identities, s'inscrivent dans cette démarche épistémologique en proposant un tour d'horizon du monde bouddhiste afin de comprendre comment le terme theravada en est venu à désigner un «courant » ou une «école » et dans quelle mesure celui-ci peut continuer d'être utilisé en toute rigueur.

Pays du bouddhisme Russie

 

KSÉNIA PIMENOVA

Docteur en anthropologie, Ksenia Pimenova est chargée de recherche FNRS à l’ULB (Université Libre de Bruxelles) et membre du laboratoire GSRL (EPHE-CNRS).

 

La thèse en sociologie, que j’ai écrite sous la direction de Danièle Hervieu-Léger et soutenue à l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) le 13 septembre 2012 , s’intéresse aux aspects institutionnels, identitaires et rituels du renouveau post-soviétique du chamanisme et du bouddhisme chez les Touvas de la Sibérie du Sud. L’interrogation transversale de ce travail porte sur le concept de savoirs religieux. La thèse étudie les modes de transmission de ces savoirs avant et pendant la période soviétique, leur usage par les acteurs du renouveau post-soviétique et leur gestion au sein de nouvelles organisations religieuses de bouddhistes et de chamanes. Elle tient compte des traditions préexistantes dans l’étude du bouddhisme et du chamanisme, en particulier des travaux de l’ethnographie soviétique, et elle combine les approches théoriques et méthodologiques de l’anthropologie et de la sociologie des religions.

Ce travail est fondé sur des matériaux collectés au cours de quatre enquêtes de terrain, d’une durée totale de plus de six mois, entre 2002 et 2009 menées dans les différentes provinces de Touva, et en particulier dans sa capitale Kyzyl qui concentre aujourd’hui la plupart des organisations religieuses de bouddhistes et de chamanes. Ces matériaux comprennent des données provenant de l’observation ainsi que des entretiens non-directifs approfondis réalisés avec des interlocuteurs aux statuts différents (chamanes de différents niveaux hiérarchiques et leurs clients ; clercs et laïcs bouddhistes ; fonctionnaires et intellectuels). La thèse s’appuie également sur des matériaux russophones de seconde main, relativement peu connus en France, provenant de sources du XIX e et du XX e siècle (pour les parties historiques), ainsi que sur des articles récents publiés dans les médias touvas, des textes de lois post-soviétiques sur la religion, ou encore des rapports officiels du gouvernement touva.

La thèse comprend trois volumes, chacun composé de deux parties, ainsi qu’une bibliographie et des annexes. Elle est accompagnée de la liste des informateurs, de celle des acronymes et du glossaire de termes touvas. Les annexes comprennent une sélection de légendes et de récits oraux enregistrés auprès des profanes, un schéma généalogique d’une chamane, le texte de l’invocation rituelle, ainsi que deux projets vidéo (« Le cabinet des esprits » – 27 minutes – et « Vera Sazhina, portrait d’une chamane » – 10 minutes –, filmé à Touva et projeté lors de l’exposition « Les Maîtres du désordre » au musée du Quai Branly en 2012).

Avant d’exposer l’argumentaire et le contenu des différentes parties, il convient de rappeler quelques éléments de l’histoire et de l’ethnographie des Touvas. 

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 Didier Treutenaere nous entraîne dans un passionnant voyage au coeur du Siam, du dix-neuvième au vingtième siècle, à travers l'évocation du grand maître bouddhiste, et en particulier nous fait mesurer les évolutions d'une nation qui a fait du bouddhisme son socle social. Nous vous ferons partager de larges extraits de ce travail de recherche au cours des prochaines newsletters.

L'auteur évoque ici la pratique de la méditation en Thaïlande

La tradition de la méditation est, en Thaïlande, aussi ancienne que le bouddhisme lui-même. À l’époque de Luang Pou Wat Paknam, il existait à la fois de multiples textes relatifs à la méditation rédigés en thaï et des maîtres capables de les expliquer. Toutes les techniques de méditation valables en ce temps présentaient cependant les mêmes inconvénients : elles avaient des résultats limités et quittaient fréquemment la voie de la recherche de la sagesse expérimentée par le Bouddha pour s’égarer dans celle de la recherche de pouvoirs surnaturels.

Bouddha

Ces deux dernières années, nous avons fait pivoter l’axe de nos travaux vers le contenu d’une encyclopédie qui a précédé toutes celles citées ci-dessus. Il s’agit du Fayuan zayuan yuanshi ji 法苑雜緣原始集(Anthologie [pour comprendre] le commencement et l’origine de diverses [pratiques] dans le jardin des devoirs ; ci-après appelé Fayuan). Cette œuvre fut compilée entre la fin du ve siècle et le début du vie par Sengyou 僧祐 (445 518), maître de Vinaya à la capitale Jiankang (biographie de Sengyou dans le Gaoseng zhuan lue en 2009) et auteur d’autres anthologies, sur des sujets comme la vie du Buddha et de ses ascendants (Shijia pu 釋迦譜, T. 2040), la cosmologie bouddhique (Shijie ji 世界記, perdu), la généalogie des maîtres de l’école indienne Sarvāstivādin et de ses premiers maîtres chinois (Sapoduobu xiangcheng chuan 薩婆多部相承傳, perdu) ou encore la défense et la promotion du bouddhisme (Hongming ji 弘明集, T. 2102).

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Le bouddhisme de la Terre Pure est l'un des courants principaux du Grand Véhicule (Mahayana). Il est particulièrement connu de la plupart des courants bouddhiques d'Extrême-Orient, où il a donné le jour à des écoles spécifiques qui portent son nom.

 

Terminologie

I - Les « terres pures » et la « Terre Pure » (c. jingtu, j. jodo)

C'est l'expression la plus courante dans le bouddhisme sino-japonais pour désigner un « champ de buddha( skt. buddhaksetra, tib. sangs-rgyas kyi zing). Un champ de buddha désigne le champ de rayonnement de la réalisation d'un buddha parfaitement accompli. Tous les buddha, ainsi que les grands bodhisattva, ont une terre pure. Mais en Extrême-Orient, l'expression a fini par s'appliquer à la Terre Pure par excellence, celle du buddha  Amitabha (ou Amitayus) connue sous le nom de « la Bienheureuse » (Sukhavati). Le bouddhisme de la Terre Pure est l'une des formes les plus répandues du bouddhisme au Vietnam, en Chine et au Japon. Le buddha  Amitabha/Amitayus occupe également une place importante dans le bouddhisme tibétain, sous le nom de Opame/Tsepame

  • L' « Amidisme »

En Occident, les diverses écoles sino-japonaises centrées sur la Terre Pure du buddha Amitabha/Amitayus sont souvent désignées par l'appellation globale « amidisme » (plus rarement « amidaïsme ») ; cette appellation vient du nom japonais de ce buddha qui est Amida. Mais cette désignation est à éviter, comme celle de « lamaïsme » pour le bouddhisme tibétain. En effet, elle peut faire croire que l'enseignement de la Terre Pure est extérieur au bouddhisme. On lui préférera donc l'expression « bouddhisme de la Terre Pure », les Japonais utilisant celle de « enseignement de la Terre Pure » (jodo-kyo).