Très populaire dans les médias et le langage courant ("être zen..." !), le bouddhisme japonais en francophonie ne se résume pourtant pas à cette seule école ni au seul enseignement d'un maître réputé : Taisen Deshimaru...
Taisen Deshimaru et l'AZI
Parmi les écoles bouddhistes du Japon, le Zen est de loin la plus populaire en Occident et, au sein de ses différents branches, l'Association Zen Internationale - fondée par Taisen Deshimaru (1914-1982) - occupe une place privilégiée. Pendant longtemps, cette association a été plus ou moins tenue à distance par l'école Sôtô (dont Taisen Deshimaru était issu), la plus importante des trois écoles zen japonaises actuelles, fondée par le Maître Eihei Dôgen (1200-1253).
Taisen Deshimaru avait en effet imprimé à son enseignement du zen sa forte personnalité ; il fait partie de ces enseignants asiatiques qui ont souhaité adapter le bouddhisme à l'Occident. Mais certains - notamment parmi ses compatriotes - ont jugé ses "adaptations" si importantes qu'ils n'ont pas hésité, à propos de son enseignement, à parler d'un "Zen de Deshimaru" comme d'une nouvelle école distincte du Zen Sôtô.
Centré sur la pratique de "zazen" - la méditation assise - le Zen traditionnel tient en haute estime la vie monastique et l'étude des oeuvres de maître Dôgen, notamment son Shôbôgenzô, "Le trésor de l'oeil de la vraie loi", véritable somme philosophique. Quoique voué à la vie laïque par son maître Kôdô Sawaki (1880-1965), Taisen Deshimaru a pourtant fondé, en 1979, le Temple de la Gendronnière, dans la région de Blois (Loir-et-Cher), le plus grand temple zen d'Occident, mais la vie s'y déroule sur un mode fort différent de celui des monastères zen traditionnels du Japon. Les disciples de Deshimaru, suivant en cela son exemple, privilégient eux-mêmes davantage la vie laïque et n'insistent guère sur la lecture des textes, mettant l'accent sur une pratique réduite à l'essentiel ("le Zen, c'est zazen").
Taisen Deshimaru a institué, avec l'AZI, un réseau comportant aujourd'hui une trentaine de dôjôs (lieux voués à la pratique du "zazen") et plus de 70 groupes de méditation, présents dans la quasi totalité du territoire français. Ils constituent, très souvent, la seule présence bouddhiste dans de nombreux départements français (l'AZI est présente dans 66 départements sur 95 !) comme dans les provinces belges francophones.
Nombreux ont été les Européens à découvrir le Zen par son intermédiaire. Lors de sa disparition, en 1982, des dissensions entre ses disciples ont cependant abouti à leur dispersion entre plusieurs associations ou groupes indépendants (notamment l'AVZD - Association du Vrai Zen de maître Deshimaru - sous la direction de Stéphane Thibaut, à laquelle sont affiliés plusieurs centres).
Autres associations du Zen
Le formidable mouvement de diffusion du zen en Europe ne se limite pas aux seuls disciples de Taisen Deshimaru réunis au sein de l'AZI ou de l'AZVD. D'autres enseignants se rattachant au Zen sôtô résident aussi en France, comme le maître japonais Ryôtan Tokuda, représentant officiel de cette école pour l'Europe et fondateur de l'association Maha Muni à Paris. Celui-ci vient récemment d'ouvrir un monastère, Eitaiji, dans les Alpes-maritimes.
Citons également Joshin Bachoux Sensei, qui a fondé "La Demeure sans Limites" (en Ardèche) et enseigne aujourd'hui dans plusieurs centres affiliés (surtout dans la région sud-est) ainsi qu'en Belgique, et Denis Kegan Robert, ancien disciple de Taisen Deshimaru qui séjourna de nombreuses années au Japon et qui enseigne aujourd'hui dans son centre de Blois (Shokosan Denshinji) et à Paris. L'un comme l'autre insistent sur une voie plus traditionnelle, de type monastique. Quelques-uns des anciens disciples de Deshimaru enseignent aujourd'hui de manière indépendante comme l'écrivain Jacques Brosse, dans la Sarthe.
Représentant de la lignée de Taizan Maezumi, fondateur du Centre Zen de Los Angeles, Catherine Genno Pagès a fondé le centre "Dana" (à Montreuil, en Seine-Saint-Denis). Son enseignement inclut le travail sur les "kôans". De son côté Jean-Yves Leclerc, très récemment, a fondé le Zendo du Boulay (en Normandie) dans la lignée de Shunryu Suzuki, fondateur du premier monastère Zen aux Etats-Unis.
En dehors du Zen sôtô, Taïkan Jyoji (Georges Frey) est le seul représentant de l'école Zen Rinzaï en France. Cette école, popularisée en Occident par les ouvrages de D. T. Suzuki ("Essais sur le bouddhisme zen"), repose sur la méditation assise (zazen) mais aussi sur la pratique progressive des "kôans" (questions-réponses énigmatiques) qui doivent mener le pratiquant à l'Eveil (satori). Dans son centre de "La Falaise verte" (en Ardèche) - qui compte aujourd'hui plusieurs centres affiliés, à Paris et en province - Taïkan Jyoji enseigne le zazen et la pratique du Kyudo, un art martial japonais fortement influencé par le Zen.
Le dojo du centre "la Falaise verte"
Signalons encore le "So-Un zendo", fondé par Bruce Harris (dans l'Hérault), qui se rattache au "Sambo Kyôdan" - école fondée au Japon en 1954 par Hakuun Yasutani qui met l'accent sur la recherche intensive de l'éveil et sur une pratique laïque - et Eric Rommeluère qui, de son côté, a créé "Un Zen Occidental" et souhaite initier une nouvelle forme du Zen.
De même, bien qu'ils ne puissent tout à fait entrer dans la catégorie des "centres bouddhistes", rappelons l'existence de centres de méditation inspirée du Zen : centres chrétiens (essentiellement en région parisienne) ou centre Durkheim (à Saulce-sur-Rhône, dans la Drôme).
Enfin, quelques centres se rattachent aux formes non-japonaises du Zen. Outre l'Ordre de l'Inter-être du vietnamien Thich Nhat Hanh (voir la page Mahâyâna), deux associations transmettent l'enseignement centré sur la méditation assise sous ses formes chinoise (Ch'an) et coréenne (Sôn), en région parisienne et en Belgique. Il s'agit de l'International Buddhist Progress Society (à Vitry-sur-Seine), qui se rattache à l'école chinoise du Ch'an Lin-Chi (Zen rinzaï, en japonais), et de Zen Kwan Um (à Paris et Bruxelles), apparenté à l'école Chogye du bouddhisme coréen.
Autres écoles japonaises
Le bouddhisme japonais ne se résume pas au seul Zen ! Mais les représentants d'autres écoles sont encore aujourd'hui très minoritaires...
L'école tantrique Shingon est néanmoins présente en France, au temple "Komyo-In" de Villeneuve-les-Genêts (en Bourgogne). Le vénérable Yukaï (Daniel Billaud) et son épouse japonaise y perpétuent les enseignements propres à cette école, centrés essentiellement sur le Bouddha Mahâvairocana et la pratique de méditations et de rituels utilisant mantras et mandalas, à l'instar des écoles tantriques tibétaines.
La véritable école de la Terre Pure ("Jôdô Shinshû") n'est pas présente en France mais à Genève, où le vénérable Jean Eracle a fondé le "Temple de la Foi Sereine" ("Shingyôji"). Ecole laïque, la "Terre Pure" n'enseigne pas la méditation assise (pratiquée dans toutes les autres écoles bouddhistes) mais une pratique fondée sur la récitation, celle d'un hommage au Bouddha Amida, en raison de son voeu d'accueillir tous les êtres confiants dans sa "Terre Pure de l'Ouest".
Les "nouvelles religions" japonaises
Quoique strictement laïques, comme l'école de la Terre Pure, les différentes "nouvelles religions" japonaises n'ont pas l'ancienneté de celle-ci et ne se rattache pas (ou plus) aux écoles traditionnelles dont elles sont issues. Apparues au début du XXe siècle, ces écoles manifestent une volonté de réforme du bouddhisme japonais, devenu trop formaliste à leurs yeux et coupé de la réalité sociale du pays. Leur engagement dans la société civile est l'une de leurs caractéristiques principales et explique, en grande partie, le succès considérable qu'elles ont rencontré.
Issus de la très ancienne tradition du "Sûtra du Lotus", le "Reiyukai" et l' "Association cultuelle Soka du bouddhisme Nichiren" - anciennement "Soka Gakkai" - déconcertent les Occidentaux (et notamment les pouvoirs publics) par des caractéristiques propres au monde nippon.
La Soka Gakkai entend plus particulièrement s'appuyer sur les enseignements de Nichiren - moine japonais du XIIIe siècle, dont le discours radical, déjà à l'époque, lui avait valu bien des ennuis avec le pouvoir et les autres écoles bouddhistes (pour plus de détails sur Nichiren, voir un "Dossier" qui lui a été consacré). La pratique essentielle de cette école repose sur la récitation de la formule « Namu-Myoho-renge-Kyo ! » ("Hommage à l'enseignement du Lotus de la Loi merveilleuse" - image ci-contre), ainsi que sur des gropupes de paroles dans lesquels les membres de l'association se retrouvent pour évoquer leurs difficultés et les progrès accomplis grâce à leur pratique.
Taxée de prosélytisme, faisant preuve d'une forme d'exclusivisme et d'une approche "matérialiste" qui semblaient peu compatibles avec les enseignements bouddhistes, la Soka Gakkai n'a pas toujours su (ou voulu) répondre aux attaques dont elle a fait l'objet, ni s'adapter à une sensibilité occidentale qu'elle heurtait parfois trop violemment. Elle rassemble pourtant plusieurs millions de personnes en Europe occidentale, preuve de son indéniable succès, et, depuis quelques années, s'attache a évoluer de façon à être enfin acceptée - comme elle l'est au Japon.
La présence du "Reiyukai" en France est relativement discrète, alors qu'elle réunit, au Japon, plusieurs millions de fidèles. Son siège français est à Nantes. Sa pratique, elle aussi laïque, se fonde sur la lecture et l'étude (et non seulement sur la récitation) du Sûtra du Lotus et insiste particulièrement sur l'entraide, tant sociale que spirituelle, entre ses membres.
La question d'assimiler ces "nouvelles religions" japonaises à des sectes (selon la définition - très controversée - des rapports parlementaires français) est loin d'être simple et n'a pas encore trouvé de réponse satisfaisante, ni au sein de la communauté bouddhiste occidentale (où la question est plutôt évitée qu'affrontée...), ni auprès des pouvoirs publics. Le sujet est d'autant plus délicat que ces deux écoles bénéficient l'une et l'autre, au Japon, d'une visibilité et d'une influence reconnue qui semblent tout à fait contradictoires avec la définition occidentale des "sectes". Si les témoignages d'anciens adeptes de la Soka Gakkai semblent accréditer cet étiquetage sectaire, l'association française "Le Bouddhisme Reiyukai", en revanche, ne paraît pas devoir tomber sous de telles accusations ; elle a d'ailleurs été récemment acceptée comme membre de l'Union Bouddhiste Européenne.
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