Les "Entretiens de Milinda et Nāgasena", tels qu'on les connaît aujourd'hui, sont une compilation de plusieurs textes rédigés entre le IIe s. avant J-C. et le Ve s. après J.-C.
Les thèmes abordés dans ce "dialogue" permettent d'exposer les fondements de la doctrine et de la pratique bouddhiques, ainsi que quelques points de bouddhologie classiques. On y retrouvera notamment la très célèbre comparaison du char qui sert à exposer l'impossibilité de découvrir un "Moi" dans le complexe physico-psychique auquel l'individu s'identifie.
Le roi Milinda y est le plus souvent réduit au rôle de questionneur, laissant le beau rôle à son enseignant (plutôt qu'à son contradicteur), exposant l'orthodoxie selon des formules consacrées, y ajoutant toutes ces comparaisons qui ont fait la célébrité du texte.
Mais de quelle orthodoxie s'agit-il ici ? 

Milinda est la transcription en pāli du nom d'un roi indo-grec bien connu : Ménandre Ier. Successeur lointain d'Alexandre-le-Grand, Ménandre régna sur le royaume de Bactriane, qui recouvrait une partie de l'Inde du nord-ouest et des territoires actuels du Pakistan et de l'Afghanistan. On estime que son règne dut se dérouler de ~160 à ~135. Contrairement à ce qu'affirme le texte bouddhique, il ne s'est sans doute jamais "converti" au bouddhisme, mais il dut faire preuve d'une tolérance religieuse qui servait la paix civile de son royaume et, donc, ses intérêts politiques...  En fait, le Milinda des "Entretiens" est aussi historique que le Louis XIII des "Trois Mousquetaires" d'Alexandre Dumas !
Quant au Vénérable Nāgasena, aucune trace de lui en dehors de la fiction qui le met en scène... Il est le prototype du "savant docteur" bouddhiste, capable de réfuter les arguments de ses contradicteurs et son discours est un stéréotype des controverses à la mode indienne, dans lesquelles les comparaisons et les analogies font argumentation...

Si le texte est conservé dans le corpus littéraire de l'école Theravāda sous le titre de "Milindapañha" ("Les questions de Milinda"), il n'est considéré comme canonique que par les seuls Birmans... En fait, on a tout lieu de penser que le noyau original de l'ouvrage - les trois premiers Livres, qui seuls ont été traduits en chinois, mais auxquels la version pālie ajoute quatre autres Livres - a été rédigé au sein de l'école du Sarvāstivāda, qui fut considérée souvent comme hétérodoxe, voire hérétique, aussi bien par les Theravādins que par les différentes écoles du Mahāyāna !

Entretiens de Milinda et Nāgasena
Édith Nolot (traduction et annotations)
éd. Gallimard, 1995

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