Médecin psychiatre et psychanalyste, écrivain et pratiquant bouddhiste, Jean-Pierre Schnetzler (1929-2009) a eu l'occasion de fréquenter plusieurs des principaux représentants boudhistes asiatiques séjournant en France, de toutes les traditions : les Vénérables Dhammarama et Walpola Rahula du Theravāda, Maître Deshimaru du Zen japonais, Kalou Rimpoché et Lama Teunsang de l'école Kagyü du bouddhisme tibétain.
Tout particulièrement engagé auprès de Lama Teunsang, au centre de Montchardon, à Izeron en Isère, il y a enseigné et dirigé des retraites jusqu'en 2006. Dans cette conférence, donnée en prologue des activités de l'IEB, Il fait bénéficier le public de sa double formation, bouddhiste et occidentale, et de ses dons de pédagogue...

Conférence donnée le 28 février 1996

 Je suis très honoré d’ouvrir ce cycle de conférences de l’Institut d’Études Bouddhiques [à l’époque « Université Bouddhique de Paris »] par un sujet interdisciplinaire où je vais représenter toutes les disciplines en même temps, dans une question vaste et complexe que je ne traiterai, bien sûr, que très partiellement mais, je l’espère impartialement.

Je parlerai de la méditation bouddhique, la seule que je connaisse un peu, qui est partie intégrante d’une voie spirituelle de complète libération de la douleur; et je parlerai un peu aussi de psychanalyse, méthode d’investigation et de traitement, basée sur l’hypothèse de phénomènes inconscients, sur une relation transférentielle établie entre l’analysant et l’analyste, et bien entendu sur une certaine conception du psychisme primitivement élaborée par Sigmund Freud et quelque peu modifiée par ses successeurs. Les problèmes qu’elle pose ne sont pas fondamentalement différents de ceux que pose la majorité des psychothérapies individuelles ; aussi je traiterai des psychothérapies individuelles et pas seulement de la psychanalyse au sens strict.

Les difficultés présentées par la comparaison entre la méditation et la psychanalyse tiennent évidemment à des conceptions de l’homme et du monde qui sont différentes dans les deux cas. Il s’agit, dans le premier, d’une voie traditionnelle, et dans le second d’une méthode d’investigation scientifique moderne. Il y a toutefois une analogie profonde entre ces deux démarches. Le Bouddha décrit le bouddhisme comme une méthode de guérison de la souffrance, ce qui lui a valu, d’ailleurs dans le bouddhisme, le titre canonique de Grand médecin, bhaiṣajya-guru. Personnellement je préférerai l’appeler le Maître psychiatre, car la maladie dont il guérit est avant tout mentale. Cette idée de thérapie est en effet commune aux deux démarches que nous allons traiter ce soir. Et je pense, pour ma part, qu’elles sont capables de se féconder réciproquement. Il nous faudra toutefois délimiter les domaines et les modes d’action ; les difficultés tenant aux différences de concepts, de doctrines, et de but car ils sont, nous le verrons, analogues mais pas identiques. Bien entendu je me tiendrai à l’essentiel, et en dehors des querelles de chapelle qui, vous le savez, existent partout dès qu’il y a plus de trois hommes ensemble !

Je mettrai surtout l’accent sur la méditation parce qu’elle est sans doute un peu moins connue que la psychanalyse qui fait partie du patrimoine culturel commun de nos jours.

Nous allons commencer par voir quelle est la structure du monde auquel se réfère le bouddhisme, par rapport à celle qui est explicite dans la psychanalyse.

Pour la psychanalyse, l’évolution de l’homme culmine dans un état de maturité psychologique chez un être humain capable de jouir, de supporter une dose raisonnable de contrariétés, de travailler, d’élever sa progéniture. Après quoi il décline et il disparaît définitivement, au travers de la sénilité, puisque, bien entendu, il n’y a rien après la mort. Les idées de la psychologie classique et de la psychanalyse sont évidemment celles du rationalisme et du matérialisme de leur temps. Mais la psychologie contemporaine, en particulier aux Etats-Unis, et à la suite, en France, dans le mouvement transpersonnel, est née sur la côte californienne, sous les influences conjuguées de Carl Gustav Jung et des doctrines orientales. La psychologie transpersonnelle a étudié la maturation du moi de l’adulte jusqu’à un niveau qui n’est pas celui auquel je me référais auparavant. Il intègre des expériences et des modes de fonctionnement psychologique qui sont ceux des mystiques, de toutes les religions d’ailleurs, mais aussi, de façon beaucoup plus rare, de certains non-religieux. Ces expériences ont été décrites sous le nom « d’expériences de sommet » par Abraham Maslow et, d’une façon générale, par des observateurs qui ne se sont pas crus obligés de se limiter à la description du citoyen ordinaire mais ont tenu compte des phénomènes peut-être relativement rares mais tout de même bien attestés, qui font partie d’une évolution naturelle et nullement pathologique de l’être humain ; phénomènes qui relèvent de ce que, de façon abusive, on appelle, avec une légère condescendance méprisante, les phénomènes mystiques.

Dans cette optique, la psychologie transpersonnelle reconnaît, de façon schématique, qu’il existe d’abord des stades pré-personnels de développement qui sont bien connus de la psychologie génétique et de la psychanalyse. Je vais vous rappeler simplement que le nourrisson commence à prendre conscience de son environnement sensori-moteur, puis des émotions qu’il éprouve et de quelques fantasmes, pour ensuite accéder à un niveau de pensée que Piaget appelle pré-opératoire et qui constitue un élément normal mais, évidemment, temporaire de l’évolution. Après quoi, le stade personnel est atteint, lorsque sur le plan intellectuel l’enfant est capable de faire des opérations concrètes mais raisonnables où il comprend les rôles et les règles. Il acquiert ensuite une pensée formelle où il est capable de penser le monde et lui-même, suivant les règles de la logique. Il appréhende des relations conceptuelles et, finalement, il est capable d’opérations synthétiques et intégrantes, créatives, où il est possible d’intégrer tous les processus formels et réflexifs d’une façon personnelle. Lorsque l’adulte est arrivé à ce stade, il a terminé son évolution.

Ce n’est pas exact, disent les psychologues du transpersonnel. L’être humain est encore capable, si son évolution continue, d’atteindre un stade transpersonnel du fonctionnement psychique, qui est ce que je décrirai tout à 1’heure comme le début des processus de la méditation, de la concentration, au seuil du premier dhyâna. Il est aussi capable d’atteindre un stade, dit « subtil » par Ken Wilber - un des psychologues transpersonnels dont je suis en train de résumer les positions - qui correspond à ce que le bouddhisme appelle la forme pure : le rūpa-loka, et qui correspond aussi aux archétypes et aux idées platoniciennes, aux visualisations des yidam dans le bouddhisme tantrique et aux stades des dhyāna de la forme pure ; nous y reviendrons tout à l’heure. Enfin le neuvième stade, qui est le stade causal pour Ken Wilber, est l’expérience du vide, du sans forme, ou de l’universel, ce qui constitue la fin des phénomènes psychiques. Au delà, c’est un état ultime, que l’hindouisme appelle le quatrième état : turīya, ou ce qui constitue le svabhavikakāya du bouddhisme, nous allons aussi y revenir. Je vous cite simplement ces neuf ou dix stades de Ken Wilber parce qu’ils sont représentatifs de la position contemporaine de la psychologie transpersonnelle qui montre qu’au-delà des stades du moi, connus de la psychologie classique, on peut décrire, suivant des critères formels basés sur des constatations d’expériences, des types de fonctionnement mental qui ne relevaient pas, ordinairement, de ce que l’on enseignait à la faculté.

Nous sommes donc là au-delà du moi ordinaire. Est-ce de cela dont il s’agit quand la mystique chrétienne parle de la mort du moi ? Est-ce de cela dont il s’agit quand le bouddhisme parle de l’illusion du moi, ou de l’inexistence du moi, ce qui est une façon de traduire le pāli anātman ou le sanskrit anātman et qui constitue, vous le savez, l’enseignement essentiel, fondamental du bouddhisme ?

Cet enseignement de l’anātman, de l’inexistence réelle et ultime du moi, est un enseignement difficile à comprendre dit le Bouddha. Il avait sûrement raison car dans l’expérience que peuvent en avoir des pratiquants du bouddhisme, on s’aperçoit qu’il y a souvent des erreurs de compréhension. J’en cite quelques-unes tout à fait classiques. Il y en a une qui consiste à dire que la libération survient en rejetant tout dans un acte romantique ou anarchiste de liberté sans frein. On a connu cela sur les chemins de Kathmandou, et également chez ceux qui recherchent une fusion extatique, de type non pas transpersonnelle mais en réalité de type pré-personnelle, une expérience de fusion avec le sein maternel ou avec la puissance protectrice, comme on voudra. C’est d’ailleurs ce qui motive les critiques de Sigmund Freud sur ce point précis. D’autres voient une libération du moi dans le fait de se soumettre complètement à un autre : le maître spirituel, ressenti comme un autre que moi, en essayant ainsi de supprimer désespérément les limites interpersonnelles. D’autres enfin pensent qu’il faut tuer le moi pour passer outre et se livrent à des processus d’assassinat de l’individu à la suite de guerres civiles douloureuses qui relèvent à mon sens du sado-masochisme, mais certainement pas d’une voie spirituelle. Le Bouddha était, vous le savez, non violent et n’a jamais recommandé d’assassiner personne, pas même soi-même. En fait, avant de devenir personne, d’accepter de n’être rien, il faut déjà être quelqu’un ; il faut avoir un moi avant d’accepter de le perdre. Il faut que celui-ci fonctionne avant qu’il puisse s’effacer.

La réalité relative du moi est précieuse et tous les psychiatres savent la gravité des troubles chez ceux dont le moi s’est mal structuré. Ce complexe fonctionnel qu’est le moi doit donc exister ; et exister normalement et correctement. L’anātman, encore une fois, ne consiste pas à tuer un moi réel. Cette vérité consiste à reconnaître que le moi est une illusion, à percevoir qu’il n’a jamais été réel et que ce qui n’a jamais été réel disparaît au moment même où l’on découvre l’illusion. Le moi n’est pas quelque chose de réel et d’authentique qu’il faille faire disparaître. On ne fait disparaître qu’une illusion, l’illusion qu’on a été identifié à ce moi. Lorsque le bouddhisme dit que le moi est une illusion, ou qu’il est irréel, n’oubliez pas que pour lui la seule chose qui est réelle c’est le nirvāṇa ; tout le reste est illusoire. Il faut donc comprendre que ce qu’il y a à supprimer, c’est l’attachement passionnel à une identification illusoire ; c’est la fixation à un mode d’opérer, à un mode de fonctionner qui existe sous le primat de l’identification : « Je suis cela ». Ce dont il y a lieu de se libérer, c’est donc de cette identification, en reconnaissant : « Je ne suis pas cela, ceci ne m’appartient pas, ceci n’est pas mon moi ». C’est-à-dire qu’il faut se libérer de la relation d’identification : « Je suis cela », ou de la relation d’appropriation : « Ceci est à moi ». Il faut donc se désapproprier et se désidentifier. Mais il n’y a évidemment pas à supprimer de force quoi que ce soit de façon artificielle ; bien au contraire les consignes de la méditation nous demandent de ne rien rejeter, de ne rien supprimer, de tout voir comme c’est réellement. Alors que d’habitude nous voyons les choses comme nous désirons qu’elles soient, ou comme nous avons peur qu’elles soient, ou comme nous imaginons qu’elles sont. Ce sont donc les puissances de l’attachement au désir, les puissances de l’attachement à la répulsion et les puissances de l’identification engendrée par le voile de l’ignorance qui doivent être abandonnées. Si ces trois-là sont abandonnées, le moi disparaît, puisqu’il n’a jamais existé.

En fait on pourrait dire, en reprenant la formule de Lavoisier, qu’il n’y a rien qui se crée, rien qui disparaît, mais tout qui se transforme. Et on pourrait reprendre cette formule chimique au sens alchimique... Il y a de grandes parentés spirituelles entre l’alchimie et le bouddhisme tantrique en particulier, puisque la spécialité, pourrait-on dire, du bouddhisme tantrique, c’est justement de ne rien supprimer, de ne rien détruire, mais de tout transformer, exactement au sens alchimique du terme. On va donc laisser se dissoudre, naturellement, avec sagesse et compassion, ce qui est impermanent de par sa nature et qui donc, de toute façon, se dissoudra.

Nous en arrivons donc à la méditation ; ou plutôt, aux méditations, au pluriel, car il y a des centaines de techniques dans le bouddhisme. Mais, pour faire bref, je décrirai très simplement les deux grandes familles de technique de méditation qui existent. La première est la famille de la concentration : samādhi, qu’on appelle aussi la voie du calme : samatha-yāna, chiné (Zignas thegpa) en tibétain. Cette voie de la concentration aboutit à une série de huit extases ou enstases (on peut traduire de deux façons le pāli jhāna ou le sanskrit dhyāna). Voilà pour la première famille. La deuxième famille est la famille dite de la « vision pénétrante » ou « vision supérieure », ou « vision transcendante » qui traduit le pāli vipassanā ou le sanskrit vipaśyanā ou le tibétain lag thong. Cette deuxième famille de technique est la seule, dit le Bouddha, qui permet d’atteindre le nirvāṇa ; et c’est donc elle qui est caractéristique de la méditation bouddhique proprement dite, la voie de la concentration lui étant parfaitement commune avec le Rāja-Yoga hindou, et avec l’hindouisme tantrique bien évidemment, en ce qui concerne les formules tantriques. La famille de la vision pénétrante consiste à voir, de façon lucide et sage, tous les phénomènes quels qu’ils soient, qu’ils appartiennent au monde matériel ou au monde mental de nos sensations, de nos sentiments, de nos émotions, de notre conscience et de nos objets mentaux.

Le tantrisme, qui constitue la troisième grande école du bouddhisme, utilise pour sa part les mêmes techniques de méditation que celles de la Voie des Anciens (Theravāda : doctrine des anciens) ou du Grand Véhicule (Mahāyāna), dont je viens de parler, et il ajoute en fait seulement deux caractéristiques qui lui sont propres. La première consiste en certaines techniques de yoga physique et, je dirais, subtil, qui consiste à maîtriser certains phénomènes physiologiques du corps humain et certaines fonctions mentales qui lui sont correspondantes. La deuxième consiste en l’utilisation de visualisations symboliques comme des maṇḍala... Je crois que tout le monde, maintenant, a vu des maṇḍala en Occident, peintures ou dessins représentant des déités, des divinités de méditation qu’on appelle yi-dam en tibétain (yi-dam [la], skt. : iṣṭadevatā, divinité ou déité d’élection) et qui sont des représentations symboliques d’aspect de la sagesse ou de la compassion des Buddha, que le méditant est invité à visualiser, auxquels, dans un deuxième temps, il s’identifie, et qu’il dissout, enfin, dans la vacuité. Voilà donc pour les spécificités du tantrisme qui font appel, vous voyez, d’une part à des yoga physiques et d’autre part au mode symbolique de fonctionnement du mental dont nous allons un peu reparler par la suite.

Le but des pratiques méditatives est de se dégager de ce qu’on appelle les saṃskāra, en sanskrit, qui sont des formations mentales, formées et formantes, ou des dynamismes formateurs, à la fois inconscients et conscients, bâtis par le désir et la répulsion, et verrouillés par l’ignorance. Ils constituent la base des contraintes mentales qui nous ligotent. Ces saṃskāra viennent, bien sûr, de l’enfance, et là-dessus, tous les psychologues et tous les psychanalystes seront d’accord ; ils viennent aussi, disent l’hindouisme et le bouddhisme, des vies antérieures, ce qui est déclaré parfaitement impossible par la science contemporaine, dans sa majorité, et parfaitement possible pour les quelques équipes scientifiques universitaires, existant à l’heure actuelle - il y en a au moins quatre à ma connaissance - qui ont vérifié la réalité de l’existence des souvenirs de vies antérieures chez certains enfants, de tout jeune âge, (entre deux et cinq ans), qui se souviennent spontanément de leurs vies antérieures et qui les racontent. Ceci a été, non seulement enregistré, mais vérifié par une étude des témoignages et des faits, par un de mes collègues pionnier de cette recherche, le professeur Stevenson, qui est professeur de psychiatrie à l’Université de Virginie aux Etats-Unis. A l’heure actuelle, il a réuni environ plus de deux mille cinq cents cas vérifiés de cette question. Ce qui n’avait été étudié jusqu’ici, il faut bien le dire, que par Stevenson, a été vérifié et publié dans les journaux scientifiques depuis deux à trois ans par trois autres équipes universitaires indépendantes. C’est la raison pour laquelle, j’ai moi-même écrit un livre sur la question, résumant les constatations de Stevenson, et les miennes propres car j’ai aussi observé un petit nombre de cas. Voilà donc pour l’existence des saṃskāra, qui constituent entre autres l’inconscient. Cet inconscient est personnel, au sens freudien, collectif, au sens jungien, ou transpersonnel, s’il vient aussi d’individualités nous ayant précédés et nous ayant légué un héritage dont nous ne sommes pas toujours conscients mais dont il faut que nous payions les droits.

Quels sont alors les moyens pour se débarrasser de ces saṃskāra ? C’est d’abord, et avant tout, la sagesse : prajñā, qui permet de voir justement les choses comme elles sont, associée à des règles de comportement : l’éthique, la moralité, śīla, qui évite que nous nous fassions du mal, à nous-mêmes ou à autrui, et que, par conséquent, nous développions une série de causes qui trouble notre mental, charge notre inconscient et nous empêche de développer comme il convient la lucidité de l’esprit et la tranquillité intérieure, indispensables pour que nous puissions pratiquer la méditation de façon fructueuse et, de ce fait, nous libérer.

Qu’est-ce que disent, de leur côté, la psychanalyse et les psychothérapies individuelles d’inspiration analytique ?

Auparavant, peut-être, on pourrait faire remarquer qu’un certain nombre de constatations théoriques qui motivent des psychothérapies non analytiques se retrouvent également dans la méditation bouddhique. En particulier, tout ce qui concerne l’étude des conditionnements du comportement, soit sous forme du conditionnement d’évitement, soit sous forme du conditionnement opérant. C’est un peu du jargon de la neurophysiologie, je ne vais pas vous ennuyer avec cela. Vous avez entendu parler de Pavlov et des réflexes conditionnés. Tout ce qui conditionne positivement ou négativement le comportement de l’homme, et donc détermine son comportement ultérieur, était connu du Bouddha et il l’a utilisé dans certaines des techniques de méditation, qui ne sont pas les principales dont je vous ai parlé. Mais l’on peut effectivement diminuer le désir, par exemple, ou la répulsion, en se concentrant sur certains sujets de méditation qui influencent directement le désir ou la répulsion. On peut également renforcer ce qui existe en nous de façon systématique en se concentrant sur l’amour, par exemple. Certaines techniques de méditation développent l’amour, c’est vrai, tout à fait expérimental. Il y a donc là un moyen technique de développer ce qui autrement resterait à l’état embryonnaire. D’autres techniques sont en fait des méthodes d’apprentissage et d’exercices. Je n’insiste pas parce que cela se comprend tout seul, et qu’il n’est pas possible de faire une étude complète.

Les psychanalyses, freudienne, post freudienne ou jungienne, en reprenant ce qu’elles ont de commun, nous disent toutes qu’il est nécessaire d’intégrer l’inconscient et ses contenus infantiles, au travers d’une compréhension des régularités de notre comportement et des défenses par lesquelles nous nous empêchons de prendre conscience de certaines choses. Ceci est mené dans le cadre d’une relation transférentielle entre l’analysant et l’analyste, ce qui permet à l’analysant de voir, précisément et avec justesse, comment se sont constitués ses désirs, ses répulsions, ses peurs, etc. au fil de son enfance, ce qui lui permet de comprendre le présent en reconstituant le passé. A cet égard, il faut dire que la psychologie génétique, en général, et la psychanalyse ont beaucoup apporté au bouddhisme dans le détail de la façon dont se constitue la personne, dont les modes de fonctionnement de l’intelligence croissent en complexité, etc. Tout cela n’a pas été étudié, dans le détail, par le Bouddha qui n’avait pas les moyens que nous possédons à l’heure actuelle et n’était pas non plus très intéressé par la connaissance minutieuse des mécanismes subtils puisqu’il lui suffisait de s’en débarrasser, en bloc. Pour ce qu’il recherchait, c’était largement suffisant.

De même la psychologie jungienne nous apporte des connaissances fort intéressantes par tout ce qu’elle a mis en évidence sur le rôle du symbolisme, rôle capital, car c’est un mode naturel et spontané, un mode premier, comme dit Mircéa Eliade, fonctionnement de notre mental. C’est le mode de fonctionnement nocturne de notre mental et notre façon de parler par images, et poétiquement, qui est, vous le savez, le premier langage de l’humanité. Celui-ci a un gros avantage car il véhicule, en même temps, des informations intellectuelles et affectives. Il permet donc la circulation du sens et sa compréhension ; mais, en même temps, il évoque des émotions et nous permet de faire circuler nos affections positives et négatives - ce que le langage purement intellectuel ne fait pas. Le langage abstrait, on le sait, n’a jamais fait bouger personne, ce que savent tous les orateurs politiques. L’intérêt du langage symbolique, c’est donc qu’il fait l’unité de l’être, dans ses dimensions intellectuelles et affectives. Et c’est la raison d’ailleurs pour laquelle les méthodes de méditation tibétaine sont particulièrement actives et efficaces parce qu’elles intéressent la totalité du fonctionnement mental et pas seulement une partie de celui-ci. D’autre part, le mode logique dans lequel fonctionne le rêve n’est pas le mode aristotélicien ordinaire, Dieu merci - ou « Bouddha merci », comme vous voudrez... En effet, la limitation de la logique classique est qu’elle ne s’adresse pas à tout ce qui dépasse le domaine des objets quantifiables et des idées claires et distinctes, comme disait Monsieur Descartes. Tout ce qui est au-delà ne fonctionne pas correctement avec la logique du tiers-exclu. Je n’insiste pas sur ce point parce que le problème est compliqué. J’y ai consacré un chapitre dans mon ouvrage sur les souvenirs de vies antérieures, parce qu’il y a là un problème de compréhension du symbole qui est extrêmement important. Il se trouve que la logique bouddhique du tétralemne, que l’on rencontre aussi chez Platon, n’est pas la logique ordinaire aristotélicienne, puisqu’elle comporte quatre propositions dont la troisième régit le symbolisme. Elle dit qu’un objet est à la fois ce qu’il est et ce qu’il n’est pas. Dans le rêve, une chose peut être une chose et autre chose en même temps. Et ce n’est pas scandaleux pour le rêve. Ce n’est pas scandaleux pour le bouddhisme non plus. On trouve ainsi des argumentations bouddhiques qui obéissent à la logique du tétralemne et ont fait grincer les dents d’un certain nombre de logiciens classiques. Plus maintenant d’ailleurs, depuis quelques années, parce que la logique moderne s’est assouplie et n’est plus aussi strictement corsetée que la logique d’Aristote. Nous trouvons donc là dans le canon bouddhique et dans les méthodes de méditation, comme dans le rêve, un mode de pensée qui va plus loin que la logique classique des objets quantifiables. On pourra y revenir si vous voulez tout à l’heure, mais je ne vais pas insister parce que ça nous entraînerait trop loin.

Nous en arrivons maintenant au maître spirituel, comparé au thérapeute. Ils ont des fonctions thérapeutiques analogues, visent tous les deux à une certaine libération, mais pas au même niveau. Voilà en gros l’argument de ce paragraphe. Le maître spirituel, quand il est complet, authentique, réalisé, est capable de transmettre sans paroles, silencieusement, directement, de coeur à coeur, ou d’esprit à esprit, l’influx spirituel de sagesse et d’amour, de sagesse ou d’amour ou les deux en même temps, qui éveille l’esprit de son disciple, lequel était déjà présent mais plutôt endormi.

Une autre caractéristique du maître spirituel est qu’il se réfère à une lignée spirituelle traditionnelle et n’est pas comme l’analyste, qui ne s’autorise que de lui-¬même. Le maître dépend de la lignée spirituelle dont il transmet la pratique et les formes qui remontent au Bouddha lui-même, par une lignée ininterrompue, même si le coeur de la pratique va au-delà des rites, des paroles et de toutes les formes, d’ailleurs. Le coeur est au-delà des formes, mais il se sert des formes. Je vous parle avec des formes et des mots, même si l’essentiel est au-delà de ce que je peux formuler. Le rôle fondamental du maître est d’introduire son disciple à la véritable nature de son esprit qui est transcendante, nature de l’esprit que le bouddhisme appelle aussi la « nature de Bouddha » et qui est le véritable maître intérieur du disciple. Le maître extérieur ne sert qu’à révéler le maître intérieur. C’est un des paradoxes de la relation maître/disciple.

D’ailleurs vous savez, c’est le disciple qui fait le maître, car s’il n’y avait pas de disciple, il n’y aurait pas de maître, qui n’aurait pas besoin d’enseigner. Et suivant une formule classique, « quand le disciple est prêt, le maître apparaît », ce qui peut s’entendre de bien des façons. En tous cas cela suppose la qualification du disciple ; et en particulier de ses motivations, le but d’un véritable disciple n’étant évidemment pas la simple cure de traits névrotiques. C’est pourquoi le disciple demande et accepte l’influence spirituelle de la lignée du maître, et s’il s’ouvre sagement et amoureusement à ce qui le dépasse, alors le maître donnera ce qui lui est demandé. Il donnera, bien sûr, gratuitement. A la différence de l’analyse, on n’est pas obligé de payer à chaque séance ; mais en fait le maître demande beaucoup plus. Ce qu’il demande a un prix incalculable, car il demande tout : la peau, la chair, les os et le mental et il faut que l’on donne tout, ce qui est d’ailleurs rien, bien sûr, car tout ce que l’on donne n’a pas d’existence réelle, donc ne vaut rien. Il le donne en tout temps, en tout lieu. Parfois on ne peut le voir qu’une seule fois dans sa vie, ou deux ou trois fois. Il est tout de même toujours présent. Mais si on est auprès de lui, la relation peut être quotidienne, intime et physique. On peut lui laver les pieds, ou lui donner à manger ; ce qui, évidemment, est très différent aussi de la façon dont on se comporte avec l’analyste...

Il peut arriver parfois que le maître spirituel assume une fonction thérapeutique à l’égard de certains de ses disciples ; une fonction à la fois paternelle et maternelle, pour des disciples dont l’état exige cette préparation. Mais il faut d’abord que le maître ressente s’il en a la capacité ; ce n’est pas évident qu’il en ait la disponibilité non plus. Et s’il sent que le disciple n’est pas prêt, il l’enverra ailleurs pour cette entreprise. De nos jours, en Occident, cette dimension de transfert et de thérapeutique, au sens médical du terme, est souvent constatée en ce qui concerne des candidats disciples occidentaux, qui sont immatures. Ce qui n’a rien d’étonnant parce que, comme vous le savez, la production industrielle la plus réussie de l’Occident n’est pas celle de l’automobile, mais celle des névrosés.

Il y a là, bien évidemment, une grande difficulté pratique et parfois des obstacles majeurs. Ces obstacles, en principe, c’est le travail de l’analyste. Vous savez qu’il est à la fois présent et absent, si effacé dans sa dimension individuelle et concrète, que le peu qu’on en voit exister est très circonscrit. C’est un miroir qui parle, qui parle peu d’ailleurs, qui vend de son temps, assez cher, et de sa compréhension quelquefois mais, tout de même, qui donne discrètement de son amour. Je pense, pour ma part, que c’est ce qu’il y a de meilleur dans ce qu’il est capable de faire. C’est de là que dépend bien souvent l’efficacité thérapeutique. En tout cas son silence et sa discrétion permettent à l’analysant d’user de sa parole et de libérer son verbe. Après tout, c’est ce qu’il est venu chercher. Faut-il dire que les motivations de l’analysant sont de niveau très variable, on s’en doute, et qu’elles sont loin d’être toujours spirituelles, de même que tous les analystes ne sont pas prêts à pouvoir entendre de telles demandes... Ce qui peut parfois rendre conflictuels des rapports entre le maître spirituel et l’analyste, lorsqu’ils entrent en compétition auprès du même client. Ceci, dans le cas, bien entendu, où ils ne font pas correctement leur travail.

Quels sont les modes d’action que l’on peut constater ? Ils sont multiples et complexes. La première réflexion à faire, c’est que, entre l’analyse et la méditation, c’est la méditation qui est très largement la plus incarnée. Le maître spirituel est, des deux, le plus incarné, car les méthodes qu’il utilise concernent la totalité de l’être : charnel, mental et spirituel, alors que la psychothérapie ou la psychanalyse se tient uniquement à l’étage moyen du mental. Nous n’allons pas parler des effets biologiques de la méditation tout de suite ; j’en dirai un mot tout à l’heure, pour essayer de comprendre quels sont les moyens qu’elle utilise.

Voyons d’abord la famille de la concentration. Vous savez qu’il s’agit d’une focalisation mentale soutenue pendant des heures, parfois des jours, sur un seul point. Nous savons tous ce qu’est la concentration, si nous avons essayé de résoudre un problème mathématique difficile, mais nous ne l’avons jamais soutenue, longtemps, sur un seul point. Cette concentration, par elle-même, et à elle seule, détermine un certain nombre de conséquences psychologiques. La première c’est qu’elle ralentit la pensée, mais cela nous allons y revenir. Ce qui apparaît d’abord, c’est le calme et la paix. La concentration est, naturellement, facteur de calme, de paix et de bonheur expérimentés. Ils apparaissent spontanément. Il n’y a pas lieu de les chercher. La deuxième conséquence, c’est l’exaltation de ce que le bouddhisme appelle les demeures de Brahma, les brahma-vihāra, qui sont les sentiments nobles que l’on nomme : amour, compassion, joie altruiste et sérénité. Ces sentiments sont spontanément exaltés mais ils peuvent aussi faire l’objet d’une culture ou d’un développement systématique recherché.

Le phénomène suivant, c’est bien entendu, le ralentissement, d’abord de la pensée verbale conceptuelle dialectique, celle avec laquelle je vous parle et vous me comprenez, j’espère et qui à un moment donné s’espace, s’affaiblit et finit par disparaître pour être remplacé par un mode de conscience purement immédiat et intuitif, non verbal donc, et, de ce fait, ineffable. On ne peut évidemment pas en rendre compte avec des mots. C’est ce que disent les mystiques de toutes les traditions. Ce caractère ineffable est régulièrement rencontré dans la description des expériences extatiques dans toutes les religions. Le phénomène suivant (je ne les dis pas dans l’ordre dans lequel ils apparaissent), c’est la suppression non seulement de la pensée, mais aussi des sensations. Il y a une suppression de la perception du monde extérieur soit par la vue, soit par l’oreille, par le nez, etc., par tous les sens, et également la suppression de la perception du corps propre qui finit par disparaître (la douleur aussi, bien évidemment). Et lorsque l’état d’extase est complet, l’apparence est la conservation d’un état cataleptique chez quelqu’un qui ne perçoit absolument plus rien de ce qui se passe autour de lui ni en lui, cet état pouvant durer quelques minutes, quelques heures ou quelques jours.

Parallèlement à cette expérience de dhyâna, d’extase ou d’enstase, se développent un certain nombre de phénomènes bien connus des parapsychologues et de ceux qui lisent la vie de saints. Les premiers sont ce qu’on appelle les pouvoirs miraculeux sur la matière : la lévitation, la guérison, etc. Relisez la vie des saints. Les miracles sont identiques dans toutes les religions et ils n’ont aucune espèce de particularités spéciales dans le bouddhisme. On trouve la même chose chez les saints chrétiens. Les pouvoirs mentaux, la télépathie, la clairvoyance, la clairaudience, les prémonitions, sont également tout à fait classiques dans toutes les traditions. On les rencontre d’ailleurs aussi, de façon plus rare, chez des gens tout à fait ordinaires comme vous et moi, mais à titre très discret, passager et non maîtrisé. Les statistiques les plus récentes aux Etats-Unis montrent qu’environ cinquante à soixante pour cent de la population a présenté au moins un phénomène de ce genre une fois dans sa vie. Donc, dans cet amphithéâtre, il y a une centaine de personnes à qui c’est arrivé au moins une fois. Au-delà de quatre fois le pourcentage tombe à environ dix pour cent. Les souvenirs des vies antérieures font partie de ces pouvoirs dits supranormaux ; ils sont également très exceptionnels comme je vous l’ai dit.

Mais tout cela n’a aucun intérêt. La seule chose qui est importante, pour le bouddhisme, c’est la vision juste de ce qui est, et la capacité de se libérer de la souffrance. Cela, c’est le travail de la vision pénétrante, qui peut constituer l’essence de la pratique du premier jour au dernier jour, en particulier dans le Zen. La voie Zen est une voie typique de la vision pénétrante, pure et dure où il s’agit simplement, de la première seconde du premier zazen jusqu’au dernier zazen, cinquante ans plus tard, de voir ce qui apparaît comme cela apparaît. Les pratiquants de la Voie des Anciens et du bouddhisme tantrique y ajoutent qu’il vaut mieux d’abord commencer à pratiquer la concentration au moins jusqu’au niveau de l’entrée dans la première extase et ensuite pratiquer la vision pénétrante avec ce niveau de concentration. Ils pensent que c’est plus rapidement efficace. Quoi qu’il en soit, que l’on fasse d’une façon ou de l’autre, le résultat est le même : il s’agit de percer à jour les identifications, les attachements, de retirer nos projections, de soulever, si possible définitivement, le voile de l’ignorance, ce qui nous permettra, une fois que nous aurons complètement purifié nos saṃskāra, d’atteindre le nirvāṇa.

Quels sont les effets de ces pratiques ? Je ne voudrais pas insister sur les effets biologiques, on pourra y revenir si vous le voulez. Ils sont actuellement largement vérifiés en laboratoire, puisqu’il y a eu des centaines de publications, en particulier dans le monde anglo-saxon. En France, il y en a très peu, hélas. Vous savez que malheureusement, l’Université française est restée en général strictement rationaliste jusqu’à maintenant… Revenons à la pratique méditative. Elle provoque un état de calme, de paix, de relaxation, une diminution de la consommation d’énergie qui peut être extrêmement importante. Elle régularise les fonctions biologiques, de façon spontanée et automatique. Il n’y a pas lieu d’ailleurs de le chercher. En particulier, elle diminue très fortement toutes les réactions de l’organisme dues au stress, quel qu’il soit, et elle diminue ou fait disparaître l’anxiété, ce qui intéresse bien les psychiatres. Voilà pour les effets biologiques directs ; je ne parle pas des pouvoirs dits miraculeux qui sont tout de même très rares en ce qui concerne leur degré extraordinaire. En ce qui concerne les petits phénomènes, ils sont assez fréquents. Mais, encore une fois, ils n’ont qu’un seul intérêt, au cas où le pratiquant serait encore un peu matérialiste, c’est de lui démontrer la nécessité de réviser ses conceptions. Pour le reste il ne faut ni s’y intéresser ni, surtout, s’y attacher. Car l’ego est prompt à s’emparer de ce qui peut passer à sa portée pour s’en faire une décoration.

Au point de vue psychique, la méditation développe la paix intérieure et le bonheur. Les bonnes choses sont bonnes et il est quand même préférable que la pratique méditative soit assez souvent agréable ; sans cela elle ne satisferait que les masochistes, ce qui serait dommage. Mais ce qui est important, c’est surtout le changement du processus même de la pensée. Dans la solitude et le silence s’opère l’observation paisible de ce qui se passe en nous, avec sagesse et compassion ou amour à notre propre égard, car nous sommes la première personne à l’égard de laquelle il est absolument indispensable que nous développions des sentiments d’amour et de compassion, si nous voulons être ensuite capable de les témoigner à autrui. Si ces conditions-là sont progressivement réunies et développées, à quoi assiste-t-on ? On assiste à ce fait que les processus qui nous semblaient automatiques se désautomatisent, que ce qui nous semblait programmé, très progressivement se déprogramme, ce à quoi nous étions fortement identifié très paisiblement et très progressivement se désidentifie. Il y a ainsi une mise en route par la méditation d’un processus normal et spontané d’évolution, de maturation, de changement, appelez cela comme vous voudrez, d’évolution vers le nirvāṇa, si vous voulez, dont vous n’avez qu’à observer le déroulement sous l’effet de la vision sage qui, ne l’oublions pas, est présente dès la première seconde de notre première méditation.

La nature de Bouddha est déjà là, en chacun de nous. Il est complètement inutile d’aller l’acheter au marché. Tout cela doit être observé d’une façon paisible, objective, mais pas simplifiante, parce que les choses sont complexes et que la vision des rapports entre les choses, nous dit le Bouddha, est celle de la complexité et de l’interdépendance. C’est la théorie fondamentale du bouddhisme : l’interdépendance des phénomènes. Celle-ci est d’ailleurs remise en valeur, de nos jours, depuis qu’on abandonne les modèles linéaires de la causalité dans toutes les sciences. On fait plutôt appel maintenant à des modèles complexes et souvent circulaires. C’est le cas aussi en sociologie ou en philosophie comme, en particulier, le décrit Edgard Morin. Toutefois, si nous essayons pour le bien de la pédagogie de voir, simplement sans que ce soit simpliste, quelle est l’essence de la vision pénétrante, on pourrait dire qu’il faut laisser advenir la production mentale. Laissez-là être, exactement telle qu’elle est. N’intervenez pas, simplement voyez-la juste comme elle est. C’est d’une simplicité enfantine, mais vous savez que seuls les enfants pourront pénétrer dans le royaume des cieux. Cela suppose un minimum de confiance en soi, de confiance dans celui qui vous a enseigné la méthode, et de confiance dans la méthode elle-même. C’est, non pas une foi aveugle, mais une confiance à vérifier par la pratique.
Il faut maintenir une attention lucide, aussi continue que possible, pour ne pas tomber dans des trous de somnolence, ce qui suppose un minimum de vigilance, de calme intérieur et de tranquillité. Enfin, il convient d’accepter paisiblement la confrontation avec soi-même. En principe on ne peut pas faire autre chose : on est assis, on ne doit pas bouger, on ne doit pas parler, on ne doit pas s’en aller... mais on peut s’en aller et fuir à l’intérieur, dans des productions imaginaires diverses. L’idéal est de laisser les phénomènes apparaître quand ils apparaissent, disparaître quand ils disparaissent (et de toutes façons ils finissent par disparaître) ou se modifier comme ils se modifient, spontanément. Ce qui suppose, tout de même, un minimum d’autonomie de la conscience.

Quand on observe tout cela, on s’aperçoit que le changement du processus de la pensée, ainsi opéré, qui consiste à ne rien faire, va changer aussi le contenu, finalement. Mais ceci se fera petit à petit, progressivement, tout doucement ; rien de spectaculaire, il faut être patient. Les émotions qui sont montées à la surface vont petit à petit, comme on dit en analyse, s’abréagir, s’exprimer si vous voulez, finir par s’atténuer, s’épuiser de façon progressive. Progressivement, s’opèrent des prises de conscience qui intègrent de plus en plus largement ce qui se passe. Apparaissent aussi des visions intuitives et justes, vérifiables dans les faits. On progresse ainsi vers des points de vue de plus en plus généraux, de plus en plus intégrants jusqu’à ce qu’un jour, nous disent les sages, on prenne conscience de l’esprit pur, lumineux, vide, infini, qui permet l’évasion définitive, hors de ce qui est né, devenu, conditionné, composé, comme dit le Bouddha dans un sutta de l’Udāna. Pour résumer, voici la définition de la méditation telle qu’elle était faite par un maître contemporain de Sri Lanka à qui on avait demandé : « Qu’est-ce que la méditation ? » Il était parti d’un grand éclat de rire en disant : « No self ; no problem. », « Pas de soi, pas de problème »…

Quels sont, maintenant, pour terminer, les rapports entre la pratique de la méditation et celle de la psychanalyse ou de la psychothérapie ? Pour résumer ma position, je dirai que, dans l’idéal, il s’agit d’une complémentarité et pas d’une concurrence. Mais, bien entendu, dans les faits, vous le savez, les hommes étant ce qu’ils sont, il y a souvent des erreurs et des dérapages. Il en est ainsi parce que leurs niveaux d’action ne sont pas les mêmes. Nous dirons que la méditation, en droit, inclut dans sa généralité les techniques thérapeutiques. Mais dans les faits, il arrive que certains prêchent pour leur paroisse de façon exclusive. Alors il y a des maîtres spirituels qui prêchent le tout spirituel de façon intransigeante, et des psychanalystes qui prétendent que : hors du divan point de salut. Si on ne s’adresse pas aux impérialistes en tout genre, je crois qu’on peut dire que les deux peuvent rendre des services mutuels, et nous allons voir comment. Nous verrons aussi les dérapages.

La méditation est parfois utilisée comme une thérapie ce qui est, d’ailleurs, partiellement efficace, mais souvent incomplètement, car elle laisse subsister des problèmes non résolus ou, pire, des problèmes ignorés. C’est surtout le cas lorsque la méditation est utilisée comme un substitut d’une thérapie nécessaire, parfois même conseillée par un médecin, mais refusée, car ressentie comme dangereuse en raison, chez le sujet, je dirai d’un angélisme coupable qui lui fait peut-être accepter les anges mais lui fait refuser ce qui est vulgairement matériel ou psychologique.

Il arrive aussi que la psychothérapie soit nécessaire après la pratique d’une méditation, même poursuivie pendant de nombreuses années. Un psychanalyste contemporain, Jack Kornfield, aux Etats-Unis, qui a été moine bouddhique pendant longtemps, instructeur de méditation, a publié un certain nombre d’observations intéressantes sur ce qu’il appelle les vieilles blessures des méditants. Car il arrive que des méditants chevronnés, après de nombreuses années de pratique continuent à avoir de vieux saṃskāra qui n’ont pas été résolus par la méditation. Ce qui n’a d’ailleurs rien d’extraordinaire car les saṃskāra ne sont véritablement, définitivement résolus ou éradiqués ou transformés que lorsqu’on arrive au nirvāṇa. Ces méditants n’étaient pas « nirvānés », il leur restait des problèmes. Et les blessures graves, qui remontent souvent à la petite enfance, nécessitent une intervention thérapeutique avec l’aide de quelqu’un ; car souvent l’angoisse relative aux souvenirs ainsi refoulés est trop importante pour que le sujet puisse y faire face tout seul ; la présence du thérapeute est donc souvent nécessaire. Il en va de même d’ailleurs lorsqu’il s’agit de blessures (au sens psychique du terme, pas obligatoirement physiques) qui remontent à des vies antérieures et sont particulièrement traumatiques. Il faut pourtant régler les comptes avant la libération et un passage thérapeutique peut s’avérer, parfois, nécessaire.

Une autre séquence est plus habituelle, celle où la psychothérapie est utilisée comme préliminaire à la pratique de la méditation. La séquence est plus facilement compréhensible. Cela peut se faire soit spontanément parce que l’intéressé a dit : « Je vais d’abord me faire soigner puis je pratiquerai la méditation après », soit simplement parce qu’à l’issu d’une thérapeutique entreprise pour un tout autre motif, les problèmes spirituels se posent enfin et l’intéressé se dit qu’il va falloir aussi les résoudre. C’est ce qu’un de mes patients m’a dit à la dernière séance de sa psychanalyse en me serrant la main : « Au revoir docteur, merci beaucoup, maintenant il me reste à me confronter avec Dieu ». J’étais assez fier.

Mais assez souvent, il y a un usage conjoint et fécond. Soit à l’aide d’une seule personne, mais c’est rare qu’elle possède les compétences et le temps. Soit le plus souvent, grâce à deux personnes différentes qui acceptent de collaborer, ce qui signifie que le psychothérapeute accepte le maître spirituel et que le maître spirituel accepte le psychothérapeute. Il faut qu’ils aient une connaissance réciproque de leurs domaines et qu’ils acceptent leurs compétences. Il se trouve que j’ai eu l’expérience de ces rapports, aussi bien comme analysant qui pratiquait la méditation que comme analyste dont certains patients pratiquaient la méditation en même temps que leur analyse, que comme enseignant de la méditation dont certains stagiaires sont en analyse en même temps qu’ils apprennent à méditer. Ma conclusion est donc qu’il s’agit bien d’un usage conjoint et fécond. Je connais aussi les dégâts produits par les exclusions mutuelles ; on parle beaucoup de traiter les exclus aujourd’hui. Voilà un type d’exclusion regrettable.

Le cas simple est celui de la méditation employée comme méditation. Le domaine de la méditation est celui de l’homme normal, ou encore, exprimé en d’autres termes, celui du traitement de la maladie universelle, du traitement de l’aliénation ordinaire, la nôtre, puisqu’on peut le dire : nous sommes tous fous. Seul le Bouddha est normal.

Je vous remercie de votre attention.

  

Questions / réponses

- Quel est votre rapport personnel avec la méditation ?
. Dans l’ensemble assez bon. Quelques fois cela me fait mal. J’ai encore très mal aux genoux. Cela m’arrive, quand je médite un peu trop longtemps. Et quand je suis fatigué, je m’endors. Cela m’arrive toujours aussi, pourtant ça fait vingt cinq ans que je médite, à peu près. J’enseigne aussi la méditation dans un petit monastère bouddhiste situé dans le Vercors. Voilà mon rapport professionnel, si j’ose dire, avec la méditation. Est-ce que c’est cela que vous vouliez entendre ?

- Vous avez dit que vous évoqueriez les risques de dérapage, de confusion entre la méditation et une psychothérapie. Quels sont ces risques ?
. J’en ai évoqué quelques-uns dans le dernier paragraphe. Le premier risque, c’est lorsqu’on fait jouer à la méditation un rôle thérapeutique qu’elle est seulement capable de remplir partiellement, parce que, dans certains cas, la présence physique d’un thérapeute est nécessaire pour aider l’intéressé à aborder un certain nombre de problèmes qu’il ne peut pas aborder tout seul. C’est une question technique. Il yale besoin d’être rassuré physiquement et mentalement, par la présence de quelqu’un, d’une part ; et d’autre part, il faut être aidé pour la compréhension précise de certains mécanismes d’évitement ou de refus qui font que l’intéressé bloque dans sa recherche des problèmes qui subsistent.

- Est-ce que vous pensez que la méditation peut déclencher des troubles ?
. Ah ! Parfaitement. Il y a des cas d’aggravation indiscutable. Il y a parfois déclenchement de décompensation psychologique. Uniquement quand il s’agit de pratique intensive ; fort heureusement la pratique méditative courante, quelques heures de temps en temps n’a jamais décompensé personne.

- Vous avez parlé du développement du moi chez l’enfant. Je voudrais savoir si ça existe déjà dès la vie foetale.
. La réponse de la psychologie académique contemporaine, c’est qu’il y a une activité psychique fretale. On l’a démontré pour l’audition, en particulier. Le fretus est capable d’entendre la voix de ses parents, de la reconnaître, de la préférer. Après la naissance, le jeune bébé préfère la voix de sa mère. Il arrive même à reconnaître certaines autres voix aussi, la voix de son père par exemple. On a pris des photos de fretus suçant le pouce in utero ; et manifestement, aimant sucer le pouce. Donc il y a des manifestations affectives déjà in utero et il y a des discriminations sensorielles in utero. C’est une certitude, et les compétences précoces du nourrisson telles qu’on les établit à la naissance, sont déjà importantes. On pense donc qu’elles remontent déjà à quelques semaines, ou quelques mois, avant la naissance. En ce qui concerne l’existence des phénomènes psychiques différenciés, du type souvenir, trait de caractère, ou connaissance intellectuelle, cela n’est pas admis par l’ensemble de la communauté scientifique aujourd’hui. Cependant un certain nombre de gens l’admettent tout à fait, puisque des universités tout à fait sérieuses, aux Etats Unis, en Islande, en Inde et en Birmanie travaillent sur la question à l’heure actuelle. En fait la conclusion de Stevenson et de son équipe, est que le moi, en tant que système psychique d’identification, préexiste à la naissance et vient d’une vie antérieure. C’est la conclusion à laquelle j’arrive moi¬même dans le livre queje viens de publier.

- Est-ce que la consultation simultanée avec un analyste ne suppose pas que ce soit un analyste ouvert également aux phénomènes spirituels et transpersonnels. En fait, il y a beaucoup de psychanalystes qui sont très réticents.
. Oui, votre mot très réticent est juste. Il est même, je dirai, un peu euphémique. Je pense que si on veut avoir une pratique spirituelle, en même temps qu’une analyse, il est tout à fait nécessaire que l’analyste soit ouvert à ce genre de chose, sinon il risque de bloquer le processus lui-même et ça peut être dommageable pour l’intéressé... il faut savoir où on met les pieds.

- Je voudrais savoir. Est-ce qu’il n’y a pas des méthodes de rêve éveillé, par exemple, qui permettraient de faire une restructuration symbolique beaucoup plus directe que d’aller... (inaudible)
. Il se trouve que j’ai été moi -même un élève de Robert Desoille et que j’ai pratiqué le rêve éveillé pendant vingt ans, parallèlement à l’analyse. Donc ma réponse, fondée sur l’expérience, est oui. La pratique du rêve éveillé est excellente. Je n’en ai pas parlé, parce qu’on ne peut pas parler de tout.

- Si vous dites que vous possédez la nature de Bouddha, est-ce que ça ne risque pas de développer de façon excessive un idéal du moi qui soit, lui-même, excessif ; et qui devienne un obstacle à la réalisation. Et j’ai une deuxième question au sujet du moi toujours. Si vous pouvez dire deux mots au sujet du développement du moi des tulkus et… (inaudible)
. Votre première question est excellente. Le danger est tout à fait réel. Bien sûr on peut se saisir de cet idéal pour en faire un mauvais usage qui soit celui de nourrir et de gonfler le moi : « Je suis Bouddha ! ». Néanmoins, à moins d’être déjà un peu paranoïaque et d’avoir des tendances au délire de grandeur, je pense que le danger n’est pas trop grand parce que dès qu’on met le nez dans la pratique de la méditation, il va y avoir suffisamment de coups d’épingle pour dégonfler le ballon. On s’aperçoit que si la nature de Bouddha est certainement existante, c’est cela qui nous permet de nous affronter à une pratique austère, difficile, qui ne donne pas des résultats gratifiants, rapides et durant laquelle il faut se battre avec la frustration, pendant longtemps... Et d’autre part, on se rend compte que pour se prendre dans les faits pour le Bouddha, il faut être complètement fou. Je ne dis pas que cela n’arrive pas puisque, personnellement, j’ai rencontré deux fois le Bouddha Maitreya. C’était hélas un psychotique dans les deux cas. Le délire de grandeur de celui qui se prend pour le Bouddha est d’ailleurs tout à fait classique en milieu bouddhiste. Un garde-fou relativement efficace est la pratique méditative elle-même.

Je ne crois pas que je vais vraiment pouvoir répondre à la deuxième question, car c’est un très vaste sujet et fort complexe. La question était : " Qu’en est-il du développement des tulkus tibétains ? ", c’est-à-dire des réincarnations des maîtres spirituels revenus sur terre de façon sacrificielle, pour continuer la mission qu’ils avaient commencée. Ils sont reconnus par leurs disciples, élevés comme tels dès la petite enfance, pour reprendre leur poste de supérieur du monastère, par exemple, quand ils ont l’âge convenable. L’éducation spéciale qui leur est donnée est hors classe. Il n’y a aucun enfant dans le monde qui soit aussi bien adapté au travail qu’il doit fournir que les tulku tibétains. Evidemment, cela ferait hurler la ligue des droits de l’homme ou la défense de la liberté religieuse des enfants. « On lui impose d’être un moine, c’est affreux ! » Le bouddhiste pense qu’il l’a bien voulu, il l’a cherché, donc il ne peut pas se plaindre ! Il y a un danger qui est effectivement qu’il se prenne pour un tulku. Il parait que parfois certains font un mauvais usage de cette éducation parce que cela peut solliciter l’orgueil et déclencher une inflation du moi. Je crois qu’il en existe quelques exemples dans l’histoire du Tibet. Mais le fait est que dans la majeure partie des cas, ça donne d’excellents résultats. J’ai assisté à l’éducation d’un tulku européen, moitié américain, moitié anglais, au monastère de Montchardon. Il est reparti en Inde où il est maintenant supérieur de son monastère (il avait six ans quand il est arrivé). Le premier jour où il est arrivé, il venait de chez ses parents, on l’a mis sur un coussin, on a fait une pûjâ qui a duré trois heures. L’enfant est resté assis, en méditation, trois heures pendant la pûjâ. Je n’ai jamais vu un enfant de six ans faire ça, jamais.

- Est-ce que le fait de s’asseoir pour méditer ne correspond pas à un désir archaïque de vouloir arrêter, de vouloir cesser tout mouvement, pensées ou gestes et jusqu’à même souhaiter que les tensions disparaissent ?
. Oui, un désir archaïque, un désir de remonter à l’archée, au principe ultime de toute chose : oui, certainement. Mais avant d’arriver à l’arche, Seigneur, qu’est-ce qu’on en bave. Parce qu’essayer de rester assis, tranquille sur un coussin, sans bouger poil ni patte pendant simplement une demi-heure, c’est abominable les premiers temps. Je crois que ce qui est caractéristique de l’être humain vivant, c’est de bouger. S’asseoir, immobile, pour regarder ce qui change, c’est vraiment contre nature... enfin, contre la nature ordinaire. C’est peut-être conforme à la nature profonde.

- Je voudrais vous demander, pour revenir à la comparaison entre méditation et psychanalyse, quand vous avez parlé du caractère illusoire du moi, et là, je voudrais savoir s’il n y apas (inaudible) ... quelque part entre psychanalyse et bouddhisme, entre méditation et psychanalyse; c’est-à-dire, quelque part dans la psychanalyse arriver à un (établissement ?) du soi, vraiment dans un sens de (prendre le dualisme ?) tandis que dans le bouddhisme, la méditation, ce serait plus (inaudible)... du soi.
. Oui, bien entendu cela dépendrait de la théorie métapsychologique qui serait celle du psychanalyste lui-même ou de l’école à laquelle il appartient. Elle pourrait formuler un certain nombre de dogmes comme quoi la méthode psychanalytique serait incompatible avec le bouddhisme. Ça peut être le cas d’un certain nombre d’analystes freudiens en particulier, un analyste germano-américain assez connu, Alexander, a écrit que le Bouddha était un schizophrène, parce que s’asseoir ainsi, sans bouger, sans parler, c’était une culture de la catatonie ; c’est un peu excessif. Tout ce qui est excessif est insignifiant. Je ne pense pas personnellement qu’il y ait incompatibilité entre la méthode psychanalitique et le bouddhisme. Il peut y avoir incompatibilité avec la théorie de certains psychanalystes. Beaucoup de psychanalystes n’ont pas de dogmes absolument établis sur ce que l être humain doit devenir ultimement.

- Pour continuer sur cette question, je trouve quand même qu’il y a des façons de procéder qui sont différentes. La psychanalyse, c’est une investigation dans le passé, alors que la méditation, c’est observer ce qui est, et il n’y a pas d’investigation dans le passé. C’est ce qui est qui est important, c’est la situation vécue qui importe, et je trouve qu’à ce niveau là, quand même, ce n’est pas la même démarche, même en regard de ce que vous avez pu dire par rapport au moi, etc. Je trouve qu ïl y a une séparation à ce niveau-Ià.
. Vous avez tout à fait raison, ce n’est pas exactement la même démarche, j’en conviens avec vous. Il y a des différences que j’ai notées, de techniques, de visée à long terme. Il y a une visée à long terme très spéciale dans le bouddhisme qui est celle de la libération ultime et définitive ; celle-ci n’est pas présente dans la psychanalyse. Mais même au niveau de la technique banale, il y a une ressemblance importante qui se situe au niveau du problème que vous avez soulevé. Dans les deux cas, vous constatez ce qui se passe aujourd’hui, ici, maintenant sur le coussin, ici, maintenant, dans la relation à l’analyste ; ça se passe maintenant et ça se réfère aussi à des choses qui se sont passées avant. Dans les deux cas, vous avez à un moment ou à un autre besoin d’éclaircir le problème, de comprendre la relation et de liquider la question ; et à cet égard cela n’est pas très différent.

- Mais, je veux dire, la psychanalyse, à ce niveau-là justement, il me semble qu’elle alimente le processus, c’est-à-dire que bon... on va chercher (inaudible)... qui sont dans le passé au lieu de simplement observer, mais ce qui est présent, c’est autre chose.
. Tout à fait, la différence, vous avez raison, est là. C’est que la psychanalyse induit spécifiquement une recherche des liens avec le passé, alors que la méditation peut se contenter d’abandonner les choses dans « l’ici et le maintenant » sans essayer de reconstituer les chaînes causales qui relient le passé au présent.

Merci.

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