vasubandhu

Les termes entre crochets signalent des coupures ou les termes ajoutés par Philippe Cornu.

La discussion sur les preuves du karma est un texte d'une grande importance dans l'articulation de la pensée de Vasubandhu. Le texte se présente comme une succession de propositions, de questions et de réponses échangées entre Vasubandhu et des interlocuteurs fictifs de différentes écoles anciennes. Il prend vite la forme d'une controverse mise en scène par Vasubandhu où il démontre systématiquement l'inanité des thèses adverses.

On trouve ainsi dans le paragraphe 18, une discussion sur l'acte et la rétribution.

Un contradicteur évoque alors l'intervention d'un phénomène intermédiaire assurant la liaison entre l'acte lui-même et le moment de sa rétribution. Ce phénomène, produit par l'acte et porté par la série des agrégats, serait de l'ordre des facteurs de composition (samskara) qui ne sont associés ni à la matière ni à l'esprit (skt. Rupacittaviprayukta samskara). Deux thèses sont citées, celles des Mahasamghika qui nomment ce phénomène »accumulation » (skt. upacaya) et celle des Sammitiya qui l'appellent « persistance » (skt.  avipranasa). Les Mahasamghika soutiennent que l'accumulation est un phénomène distinct de l'acte qui lui a donné naissance, distinct de la pensée, neutre et sans objet. Ce facteur subconscient évolue et s'accroît de lui-même. Par exemple, une fois l'acte vertueux achevé, le mérite croît automatiquement, car la « vertu s'accroît pour la simple raison qu'elle a été entreprise. » Ils évoquent l'indépendance de ce facteur par rapport à la conscience pour justifier la fructification du karma même après une interruption de la conscience. Pour les Sammitiya, « l'acte, une fois accompli, périt aussitôt né, mais, de ce qu'il périt, il ne résulte pas que son fruit n'existe pas. » Ils font intervenir dans sa fructification un facteur d'obtention (skt . prapti) appelé « persistance », comparé à un billet à ordre. Cet intermédiaire laissé par l'acte accompli en assurerait la rétribution ultérieure à la manière d'une lettre de créance pour le remboursement d'une dette. « De même que la feuille où s'inscrivent les dettes est épuisée lorsque l'argent a été rendu au prêteur et n'est plus capable de faire rendre l'argent à nouveau, de même quand elle a assuré la rétribution, l'avipranasa, qu'elle existe ou non, ne peut, telle une créance épuisée, exposer à une nouvelle rétribution ».

Vasubandhu rétorque (19) que le phénomène intermédiaire dénommé « accumulation » ou « persistance »n'est qu'une désignation, une construction imaginaire inutile. Ce qui compte dans la rétribution, c'est la force de l'intention de l'acte et non un phénomène séparé faisant la liaison entre l'acte et son effet. C'est donc cette force qui se propage dans la série individuelle jusqu'à produire l'effet du karma (20). Vasubandhu poursuit ainsi son entreprise de simplification en éliminant les entités conceptuelles proposées par les autres écoles, lesquelles compliquent le problème de l'acte sans l'expliquer clairement.

(…)

Dans la partie finale de la Discussion sur les preuves du karma (30-50), Vasubandhu expose son propre point de vue, c'est-à-dire la doctrine des Yogacarin sur le karma. Il reconnaît tout d'abord (30) la contribution de certains Sautrantika à la thèse d'une conscience de maturation neutre et non voilée, dotée de toutes les semences et autre que les six consciences habituellement admises. C'est une solution à tous les problèmes évoqués plus haut : cette conscience de maturation forme une série ininterrompue entre tous les états d'esprit et dans toutes les existences jusqu'à l'entrée en nirvana, assurant ainsi une fructification des semences du karma ; cette série est doublée par la série des six consciences (31), lesquelles, intermittentes, s'interrompent dans les deux dernières absorptions égalisatrices. C'est cette interruption d'activité consciente, liée à la désactivation temporaire des semences, qui vaut à ces états d'être qualifiés de privés d'esprit, comme on dit d'une chaise qui n'a plus qu'un seul pied qu'elle n'a plus de pieds. Quand la force de l'absorption s'affaiblit, les semences de la conscience de maturation se réactivent, permettant les réémergence des effets du karma, de la conscience mentale et de la conscience des sens (32).

Ce n'est qu'après avoir cité Asvagosha, le poète mahayaniste, et le Sutra du Dévoilement du sens profond à l'appui de l'existence de cette conscience de maturation que Vasubandhu consent à la nommer pour la première fois alayavijnana « conscience base universelle » (33), terme exclusivement yogacarin. Il précise que cette conscience est à la fois conscience appropriatrice parce qu'elle se saisit du corps (34) conscience support des semences et à ce titre « conscience base universelle », et conscience de maturation des karmas passés […]

L'auteur rappelle ensuite (35) que les Tamraparaniya, c'est-à-dire ceux que l'on nommera bientôt les Theravadin, ont recours à une notion similaire en l'espèce de leur « conscience membre de l'existence » (skt. pali. Bhavanga-citta), ainsi que les Mahasanghika avec leur « conscience-racine » (skt. mulayavijnana).

Cinq traités sur l'esprit seulement, VASUBANDHU, traduction et présentation par Philippe Cornu, éd. Fayard, Coll. « Trésors du bouddhisme », Paris, 2008

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