Visaka était le mari de Dhammadina. Quand Gotama fut devenu Bouddha et eut lancé la roue du Dhamma, il se rendit avec ses disciples à Uruvela où il instruisit beaucoup de « porteurs de chignons ». Puis il poursuivit jusqu'à Rajagaha avec ses premiers disciples qui avaient déjà atteint l'Accomplissement. Le grand roi Bimbisara vint le voir avec une suite nombreuse, et le Bouddha leur enseigna le Dhamma. Une partie des assistants se déclarèrent fidèles upasaka. Certains, comme le roi et et Visakha, atteignirent le Fruit de « l'Entrée dans le courant ». Ayant écouté une autre fois l'enseignement, Visakha se trouva établi dans le Fruit du « Chemin sans retour ».

Puis il rentra chez lui. D'habitude, il regardait autour de lui, souriait, était joyeux, mais cette fois-ci, quand il revint, ses facultés étaient apaisées et son esprit calme. Dhammadina remarqua son comportement inhabituel. « Que se passe-t-il ? » se demanda-t-elle. Elle l'accueillit en haut des marches et

lui tendit la main, mais Visakha retira la sienne. L'épouse pensa qu'elle en apprendrait plus à l'heure du dîner. Ils mangeaient habituellement ensemble, mais ce soir-là Visakha resta de son côté comme le font les Samana. Dhammadina pensa en savoir plus au coucher. Mais Visakha n'entra pas dans la chambre, il veilla dans une autre pièce avant de s'étendre sur une litière qu'il  avait fait installer. Elle se demanda s'il désirait une autre femme ou si un briseur de ménages avait sévi, à moins qu'elle n'ait elle-même quelque faute à se reprocher. Elle était très triste. Après un jour ou deux, comme elle ne savait toujours pas de quoi il retournait, elle alla trouver Visakha à une heure inhabituelle. Celui-ci lui demanda : 

»Pourquoi viens-tu à cette heure ?

  • Tu n'es plus comme avant, noble fils. Penses-tu à quelqu'un d'autre ?
  • Non, Dhammadina.
  • Quelque briseur de couples a-t-il agi ?
  • Non plus.
  • Ceci étant, ai-je commis quelque faute ?
  • Pas davantage.
  • Alors pourquoi ne me parles-tu plus comme d'habitude ? »

Visakha réfléchit. La réalité supra-mondaine est une lourde charge car on ne peut l'exprimer. Mais s'il ne disait rien, Dhammadina aurait le cœur brisé et pourrait mettre fin à ses jours. Il lui dit :

« Dhammadina, j'ai entendu l'enseignement du Maître, j'ai atteint la réalité supra-mondaine et, dans ce cas, les actions mondaines ne conviennent plus. Nous possédons quatre-vingts koti, quarante à toi et quarante à moi. Si tu le veux, tu demeureras ici en tant que maîtresse de maison comme si tu étais ma mère ou ma sœur, et je subsisterai seulement de la nourriture que tu voudras bien me donner. Sinon, prends toute la fortune, retourne dans ta famille, et si tu as du désir pour quelqu'un d'autre, je te soutiendrai comme si tu étais ma sœur ou ma fille ».

Dhammadina pensa qu'un homme ordinaire ne parlerait pas ainsi, il avait certainement pénétré la réalité supra-mondaine. Elle lui demanda :

« Cette réalité n'est-elle accessible qu'aux hommes, ou les femmes peuvent-elles aussi en jouir ?

  • Tous ceux qui s'engagent sur cette Voie en reçoivent le bénéfice s'ils ont les qualités requises.
  • S'il en est ainsi, permets que je m'y engage.
  • Accepté, noble dame. Moi aussi je désire suivre cette Voie. Allons voir le roi Bimbisara ».

Ce qu »ils firent. Dhammadina dit au roi qu'elle voulait devenir bikkhuni. Le roi fournit un palanquin en or et la quantité de nourriture nécessaire pour toute la ville. Puis Visakha fit en sorte que Dhammadina fût baignée dans une eau parfumée, ornée de bijoux, installée dans le palanquin au milieu de ses connaissances et emmenée ainsi jusqu'à la résidence des bikkhuni. Là, il demanda qu'elle reçût les préceptes au complet, en ajoutant qu'il n'y avait aucun obstacle car c'était par conviction que Dhammadina souhaitait devenir bikkhuni. Une theri décrivit à Dhammadina la pratique cheveux-poils-ongles-dents-peau, lui rasa les cheveux et lui donna les préceptes au complet. Visakha en fut très heureux. Il salua et partit.

Après cette journée il fut vénéré dans la ville au point qu'il ne put trouver l'occasion de devenir samana, il resta maître de maison.

Quant à Dhammadina, elle trouva des bikkhuni pour l'instruire, s'éloigna de Rajagaha et se fit expliquer une pratiquer adéquate à laquelle elle se consacra. Il ne lui fallut pas longtemps pour atteindre l'Accomplissement, grâce au vœu qu'elle avait émis des éons auparavant en présence du thera Sujatta, grand disciple du buddha Padumattara. 

Extrait du Culavedalla-sutta, Majjhima-nikaya, traduction de Christian Maes, in, Les Fondements du Bouddhisme, IEB,2018

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